Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Guy NICOLAS , Michèle DURET
Juin 2001
PLAN
I La régulation des flux d’entrée : la détermination du nombre de places au concours d’internat par spécialités.
II Le Post Internat
III Le métier de spécialiste
IV L’évolution des métiers
SYNTHESE DES PROPOSITIONS

PREAMBULE
Après une longue période de croissance, le nombre de médecins en France se stabilise et va commencer à décroître.
Cette situation entraîne une multiplication d’interventions et d’interpellations sur la pénurie médicale qui s’annonce ou qui selon les interlocuteurs est déjà à l’œuvre.
Rappelons brièvement quelques chiffres pour situer, le plus objectivement possible les termes du débat.
Evolution globale du nombre de médecins :
1960 : 44 954
1970 : 65 047
1980 : 117 920
1990 : 171 463
2000 : 197 224
Evolution du nombre des omnipraticiens :
1980 : 75 895
1990 : 88 114
2000 : 94 746
Evolution du nombre de spécialistes :
1980 : 42 025
1990 : 81 388
2000 : 99 254
C’est ce niveau de progression continue qui a été la cause de l’instauration en 1971 d’un numerus clausus à la fin de la 1ère année des études de médecine, numerus clausus progressivement resserré depuis 15 ans.
Mais, il faut bien remarquer que cette croissance ne s’est pas faite de manière harmonieuse, elle a fait apparaître des déséquilibres importants et des évolutions hétérogènes.
Déséquilibres quant à la répartition géographique des médecins sur le territoire avec des écarts marqués en faveur des régions du sud : PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine, mais également en faveur des grandes villes et en particulier des villes universitaires.
Déséquilibres entre généralistes, et spécialistes.
En 20 ans la part des spécialistes est passé de 36 à 51 % des effectifs ; la France compte aujourd’hui 99 250 spécialistes et 94 750 omnipraticiens dont un certain nombre ont un exercice exclusif, acupuncture, homéopathie, angiologie et ne pratique pas la médecine générale polyvalente. Ce qui ramène à 56 183 le nombre des vrais médecins généralistes, sans orientation complémentaire, qui exerce en cabinet libéral.
Evolutions variable selon les spécialités
D’une spécialité à l’autre les évolutions sont également très différentes. Ainsi le nombre de psychiatres a été multiplié par 6 depuis 1980, et il a cru de 26 % pendant la décennie 1990-2000 pour atteindre au 1er janvier 2000 le chiffre de 13 250.
Pendant la même période les spécialités chirurgicales ont crû de
11 % et certaines d’entre elles ont vu leur effectif baisser.
Les causes de cette situation sont connues.
Les leviers d’action ont porté uniquement sur deux facteurs :
la limitation de l’accès aux études médicales par l’instauration du numerus clausus à la fin de la première année des études de médecine,
le rééquilibrage de la répartition entre généralistes et spécialistes. Celui-ci se fait uniquement depuis l’application de la loi du 28 décembre 1982 par la limitation du nombre de places ouvertes au concours d’internat puisque la voie du CES a été supprimée.
Or, pour les spécialités médicales et chirurgicales, le chiffre est fixé au niveau de neuf disciplines (spécialités médicales, anesthésiologie, pédiatrie, médecine du travail, santé publique, spécialités chirurgicales, gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale, biologie médicale et psychiatrie) ce qui ne permet pas d’assurer une régulation précise pour les différentes spécialités.
Le déséquilibre qui s’en ait suivi, demeurait acceptable au cours des années de croissance, mais dès lors que les effectifs se stabilisent ou diminuent, il va entraîner dans certains secteurs de graves difficultés. C’est en particulier le cas pour les établissements hospitaliers.
Les établissements hospitaliers ont essentiellement besoin de médecins spécialistes pour assurer le fonctionnement de leurs différents services.
L’effectif des spécialistes a progressé ces 20 dernières années, mais cette progression s’est surtout faite en faveur du secteur privé et de l’exercice libéral.
Au 1er janvier 2000 seuls 37 % des spécialistes exercent à l’hôpital public, alors que ce taux atteignait 51 % en 1980.
A cette constatation s’ajoute un autre phénomène qui contribue à accroître la tension sur les effectifs médicaux des hôpitaux.
En effet traditionnellement, une part importante du potentiel médical hospitalier était constituée par des spécialistes en formation et par de jeunes médecins qui à l’issue de leurs études avaient réussi le concours d’internat.
La réduction du nombre des internes, parallèle à celle du nombre des étudiants par le fait du numerus clausus a progressivement réduit les effectifs dans la plupart des services.
De plus, dans le but de corriger les inégalités géographiques on a augmenté le nombre de postes des internes dans les régions à faible densité médicale au détriment ” des grandes facultés ” ce qui, en terme de qualité de formation, ne correspondait pas à une totale logique.
Pour les hôpitaux ces mesures ont rapidement entraîné des conséquences directes sur la prise en charge médicale.
La première conséquence a été la concentration des internes dans les services des CHU et de quelques services des hôpitaux généraux les plus importants. Ce constat a entraîné la création de postes médicaux dans les centres hospitaliers pour répondre aux besoins des patients, mais ces postes, médecins assistants ou vacataires sont difficilement pourvus dans des villes moyennes ou peu nombreux, ces médecins sont soumis à des contraintes fortes.
Cette situation paradoxalement constitue également un frein à une bonne régulation des flux entre les différentes spécialités, l’augmentation du nombre d’internes dans une spécialité se réalisant au détriment d’une autre spécialité, du fait de la limitation globale des postes, la lutte des influences est alors très forte et les transferts se font souvent au détriment des moins bien dotés qui offrent une moindre résistance.
Dans nombre de services de CHU, les internes constituent une fraction importante du potentiel médical et leur place dans l’organisation de la prise en charge médicale des patients est essentielle.
Toute réduction des effectifs d’internes provoquent donc des tensions que chaque responsable s’efforce de limiter.
Le pilotage précis de la démographie médicale qui va devoir être effectuée dans la période de décroissance des effectifs qui s’ouvre ne peut continuer à s’effectuer dans ces conditions.
A partir de 2008-2010 avec la cessation d’activité des générations d’étudiants des années 1970 pour la première fois le nombre de nouveaux médecins va être globalement inférieur au nombre de départs.
Mais on le sait et de nombreuses études l’ont montré, quelques spécialités seront concernées beaucoup plus tôt.
Ce constat, associé aux fortes disparités géographiques qui demeurent, peut conduire à des tensions fortes dans certaines spécialités et dans certaines régions ou départements.
Une remontée brutale du numerus clausus n’est pas la réponse adaptée au problème de démographie hospitalière. Outre le fait que les résultats de cette mesure ne seraient perceptibles que dans un délai de 10 à 12 ans, il risquerait de reproduire à l’identique une situation qui de l’avis général n’est pas satisfaisante.
Les augmentations progressives et limitées du numerus clausus observées depuis 1998 semblent beaucoup plus adaptées. Elles devraient se poursuivre pour atteindre 4 500, 4 600 en 2 ou 3 ans et se poursuive en fonction des besoins.
Le nombre de médecins à former pour les années à venir ne constitue pas la réponse exclusive aux questions qui se posent ; elle ne saurait en tout état de cause se produire sans que des dispositions aient été prises pour garantir le renouvellement prioritaire des spécialités déficitaires et pour assurer une répartition équilibrée de l’offre sur le territoire.
Mais parallèlement une réflexion sur l’évolution des pratiques, le contenu des métiers et la répartition des tâches entre professionnels de santé doivent permettre d’aboutir à des modifications des champs de compétence actuellement définis.

I La régulation des flux d’entrée : la détermination du nombre de places au concours d’internat par spécialités.
La régulation de la démographie médicale est actuellement assurée à l’aide de deux instruments.
Le numerus clausus qui fixe le nombre de places offertes à l’entrée de la deuxième année des études de médecine.
Le concours d’internat qui intervient à l’issue du 2ème cycle des études médicales et qui permet de sélectionner les futurs spécialistes.
Si le numerus clausus à permis de maîtriser le flux à l’entrée des études de médecine, le concours d’internat a certes limité le nombre de spécialités formés, mais il n’a pas permis de corriger les déséquilibres entre spécialistes ni les disparités géographiques.
En effet, le nombre de places mis au concours est fixé par grandes disciplines et si certaines disciplines correspondent à des spécialités, deux d’entre elles, les spécialités médicales et les spécialités chirurgicales qui représentent plus de la moitié des places mises au concours, correspondent respectivement à 16 et à 13 spécialités différentes,
Ce dispositif laisse de larges possibilités de choix aux candidats et ce d’autant que les moyens dont dispose l’administration pour assurer une régulation n’ont pas jusqu’alors fait la preuve de leur efficacité.
C’est ce constat qui a conduit en 1999 à ériger en filière nouvelle trois spécialités, l’anesthésie-réanimation, la pédiatrie et gynécologie-obstétrique pour garantir le nombre de formations nécessaire aux besoins de la population.
Dans la perspective d’une stabilisation des effectifs médicaux, à l’horizon des prochaines années, on ne peut se satisfaire de fixer le nombre globale de spécialistes à former pour les disciplines médicales ou pour les disciplines chirurgicales, on devra s’assurer que les formations choisies correspondent bien aux besoins prioritaires.
On ne peut continuer à s’en remettre au choix des internes pour assurer la régulation entre spécialités, sauf à prendre le risque de voir se créer des zones de pénurie dans certaines spécialités.
Comment obtenir que les choix des internes s’orientent vers la chirurgie viscérale ou l’urologie plutôt que vers la chirurgie plastique moins contraignante et plus rémunératrice.
La régulation fine de la démographie médicale qui doit désormais être effectuée nécessite que la répartition du nombre de places au concours d’internat soit faite par spécialité.
Déjà certaines spécialités ont réfléchi à ce problème, elles sont capables de fournir une estimation des capacités de formation.
Et elles peuvent d’ores et déjà sur la base des travaux des collèges de spécialités, être individualisées.
Ce sont pour les spécialités chirurgicales, l’orthopédie, la chirurgie générale et peut-être la chirurgie vasculaire.
Une réflexion doit rapidement être organisée pour déterminer les besoins de renouvellement des autres spécialités.
Mais cette maîtrise des flux de formation ne saurait se concevoir sans que parallèlement tous les efforts soient mis en œuvre pour que les médecins soient mieux préparés à leur exercice futur.
La formation des internes n’est pas actuellement optimale.
L’exigence d’un meilleur niveau de formation théorique et clinique des internes se heurte souvent aux besoins des services hospitaliers où ils participent en priorité à des tâches de soins.
La formation des futurs spécialistes doit être adaptée pour leur permettre de répondre aux exigences auxquelles ils vont être confrontés.
En effet, l’évolution rapide de la technologie, la maîtrise nécessaire de techniques complexes dans des conditions de sécurité de plus en plus exigeantes conduits à la recherche d’une sur-spécialisation sur des segments limités donc parfaitement maîtrisés. Mais la difficulté à prévoir les évolutions susceptibles d’intervenir dans les quinze prochaines années, qu’il s’agisse des besoins de la population ou des progrès techniques susceptibles de rendre obsolète une pratique plaide pour que soit préservées les possibilités d’une réorientation professionnelle.
Cela suppose qu’un certain nombre de modifications soient apportées aux conditions actuelles de formation.
Elles portent sur l’agrément des services formateurs, sur les maquettes de formation et l’introduction de passerelles entre spécialités.
L’agrément des services formateurs
Au cours du 3ème cycle des études médicales, les internes sont affectés dans un service formateur agréé.
L’agrément des services est accordé dans chaque région sur avis de la commission de subdivision siégeant en commission d’agrément. Mais si des dispositions réglementaires ont bien précisé les conditions de désignation des membres de la commission, elles n’indiquent pas les critères à remplir pour l’agrément des services formateurs.
La situation actuelle est donc contrastée et très dépendante des besoins des services hospitaliers.
Ainsi, dans certaines régions de petite taille et où les moyens de formation sont limités, les postes formateurs sont nombreux alors que dans d’autres régions dotées de services qui pourtant dispose d’un encadrement et d’un niveau d’activité bien supérieurs, les postes formateurs sont quasi inexistants.
Il est essentiel de redonner à la commission d’agrément le rôle majeur qui doit être le sien.
Cela passe par la mise en place d’une procédure plus exigeante d’agrément des services. Celle-ci doit se baser sur les capacités de formation des services : niveau d’encadrement, équipements techniques, niveau et type d’activité, participation aux programmes de recherche.
Ces critères devraient faire l’objet d’un cahier des charges précis national unique selon les spécialités. Le rôle des Doyens est fondamental sur ce point.
Ces exigences permettront de rapprocher le nombre de services agrées, du nombre de spécialistes à former, ce qui réduira considérablement le choix actuellement proposé aux internes.
Cela suppose également que la répartition des postes d’internes entre les régions ne constitue plus un instrument de répartition des médecins sur le territoire mais qu’elle réponde uniquement à des critères de qualité de formation.
Les maquettes de formation
Les maquettes de formation actuelles favorisent des formations d’emblée très spécialisées.
Pour préparer les futurs spécialistes aux évolutions susceptibles d’intervenir pendant leur exercice professionnel, plusieurs modifications devraient être apportées.
Prévoir des troncs de formation communs par groupe de spécialités voisines ou complémentaires.
Introduire dans la formation des matières nouvelles ou insuffisamment enseignées (l’épidémiologie et l’économie de la santé).
Rendre obligatoire les échanges entre les services formateurs de la spécialité à travers les inter-régions.
L’objectif est de donner une formation plus large, plus complète, de décloisonner les spécialités en permettant une plus grande ouverture sur les spécialités complémentaires.
Les passerelles
La limitation du nombre de spécialistes formés dans chaque spécialité, la réduction du nombre de services formateurs agréés va modifier l’exercice du droit au remord qui avait été instauré mais donner une plus grande liberté si le tronc commun est suffisamment large.
Par la suite les modalités d’acquisition d’une nouvelle qualification doivent pouvoir être élaborées sur la base des cursus suivis par les candidats, ces formations ayant pour but d’acquérir une qualification équivalente à celle détenue par la voie de la qualification initiale.
Un dispositif de validation des compétences ainsi acquises et des diplômes obtenus au cours de l’exercice professionnel doivent permettre de déterminer les formations complémentaires à effectuer.
Cette possibilité de modification de l’orientation des médecins constitue une évolution indispensable à l’attractivité de certaines spécialités à contraintes fortes, elle permet également une plus grande adaptabilité aux besoins.
L’installation
Il ne faudrait pas oublier que la réforme envisagée poursuit un double but, former dans les meilleures conditions les spécialistes dont on aura besoin dans un avenir proche et corriger les inégalités de répartition géographique existantes qui ne pourront que s’aggraver.
Nous venons de proposer quelques solutions pour répondre au premier objectif mais nous sommes conscients que celles-ci n’influenceraient en aucune façon le second.
Maîtriser les flux d’entrée sans réguler la sortie ne permet pas de répondre aux besoins en terme d’organisation territoriale de l’offre de soins.
Il est donc essentiel qu’une réflexion soit rapidement engagée sur la régulation de l’installation des médecins et qu’un groupe soit spécifiquement mandaté pour faire des propositions concrètes sur ce point prioritaire, pierre angulaire de toute réforme.
L’année 2004 est une année charnière, celle de la transformation du 3ème cycle des études médicales et de l’harmonisation de la formation des futurs spécialistes ou généralistes. Il faudrait donc que le nouveau dispositif soit en place pour que les étudiants qui s’engageront dans le 3ème cycle cette année là connaissent les nouvelles conditions d’exercice, celles qui leurs seront offertes à partir de 2008.

II Le Post Internat
L’internat correspond à une période de formation des spécialistes tant sur le plan théorique que pratique sous la responsabilité de praticiens titulaires, universitaires ou non.
C’est une formation progressive souvent inachevée sur le plan pratique aux termes des quatre années, et l’intéressé ne se sent pas capable de parfaitement maîtriser toutes les situations. Aussi cherche-t-il à acquérir cette maîtrise au cours du clinicat qui lui permet de prendre en charge plus complètement des malades.
C’est une pratique très répandue dans beaucoup de disciplines, ce qui a détourné les chefs de clinique de leur mission traditionnelle qui était avant tout universitaire.
Actuellement, la possibilité d’obtenir un poste de chef de clinique est variable d’une faculté à l’autre, variable selon aussi les spécialités en raison d’une distribution historique des postes qui ne correspond plus à l’activité actuelle des différentes spécialités et aux besoins de formation.
De plus, globalement, la moitié des internes seulement peut bénéficier d’un temps de clinicat.
De façon à répondre aux vrais besoins actuellement non satisfaits tant sur le plan hospitalier qu’universitaire, il est donc urgent de reprendre une idée déjà émise qui est celle de la mise en place d’un assistanat de deux ans, éventuellement renouvelable.
L’assistant aurait les mêmes prérogatives que l’actuel chef de clinique. Et dans un souci d’harmonisation, il faut envisager un corps unique d’assistant soit hospitalier pur c’est à dire assurant toute son activité à l’hôpital, soit hospitalo-universitaire c’est à dire partageant son temps entre l’hôpital et l’université.
Le titre de chef de clinique, obsolète depuis 30 ans, puisque les services de clinique et les professeurs de clinique ont été supprimés, serait ainsi remplacé par celui d’assistant hospitalo-universitaire en accord avec la situation des assistants de sciences fondamentales.
La fonction universitaire persisterait et devrait être explicitement définie sur la base d’un projet précis, validé et évalué par la faculté.
Dans un même service on pourrait parfaitement voir coexister les assistants hospitaliers (AH) et les assistants hospitalo-universitaires (AHU), chacun dans son rôle.
Les postes hospitaliers ainsi créés seront répartis dans les régions sur l’ensemble des hôpitaux ayant une capacité d’encadrement car il ne serait pas raisonnable de laisser totalement seuls ces jeunes ” seniors “.
Il est important que ce nouveau concept puisse fonctionner de façon souple afin de permettre, par la mobilité, une meilleure complémentarité entre les établissements.
Il est évident par exemple qu’à partir de 2004, la présence d’AHU dans les hôpitaux non universitaires sera nécessaire pour participer à la formation des futurs internes en médecine générale.
Le monde médical hospitalier manque de mobilité alors que statutairement rien ne s’y oppose et que le refus est beaucoup plus d’ordre culturel. Le motif le plus souvent évoqué est la crainte d’une rupture de l’équipe alors que l’immobilisme actuel pendant de longues années est souvent source de conflits à l’intérieur des services et de dysfonctionnements graves dans la marche des services et les exemples sont malheureusement trop nombreux.

III Le métier de spécialiste
Au cours des 30 dernières années la médecine s’est profondément transformée notamment en ce qui concerne l’exercice des spécialités qui, sauf exception comme la psychiatrie et quelques autres, nécessite une technicité de plus en plus sophistiquée et de surcroît rapidement dépassée.
A cette évolution galopante s’ajoute le fait que les règlements en matière de sécurité sanitaire se multiplient et deviennent de plus en plus contraignants.
Le travail solitaire est donc devenu difficile pour le spécialiste limité dans ses investissements et qui a besoin d’avis complémentaires de façon à obtenir en temps réel un maximum d’informations.
Toutes ces raisons convergent vers l’organisation des spécialités autour de plateaux techniques performants de façon à pouvoir fournir au malade en toutes circonstances les soins les plus adaptés à sa situation par la conjonction de la compétence et de la sécurité.
Ce type d’installation nécessitera des structures assez lourdes, publiques ou privées au sein ou en dehors du secteur hospitalier.
Une organisation de ce type permettra en outre la mise en place d’une permanence d’accès aux différents plateaux techniques en faisant participer l’ensemble des membres de la structure à un service de garde commun. Ceci permettrait de résoudre le lancinant problème de l’organisation de la permanence médicale qui atteint actuellement aussi bien le secteur public que le secteur privé.
Cette réorganisation de l’exercice des spécialités médicales autour du plateau technique ne doit pas aggraver la situation pour les malades en terme d’accès aux soins et de conditions de prise en charge.
Il faudra particulièrement veiller à bien répartir ces structures à travers le territoire en tenant compte du bassin de population concerné, des temps d’accès et en évitant les doublons sur deux sites proches.
Cet objectif doit être considéré comme une priorité pour les dix années à venir.
Il ne faudrait pas non plus réduire l’exercice d’une spécialité aux seuls examens complémentaires dont l’accessibilité serait favorisée par la proximité du plateau technique.
Au contraire le spécialiste doit considérer la technique comme une aide, un appoint, il doit l’adapter à chaque cas particulier et ne pas l’utiliser pour se prémunir d’un éventuel contentieux.
Ainsi la relation médecin malade est protégée et même renforcée.
Cette approche humaniste ne peut réussir que si l’on dissocie l’acte clinique de l’acte technique en valorisant le premier et en adaptant le second aux charges induites par l’investissement.
Reconsidérer le mode de rémunération des spécialistes est une idée souvent émise mais jamais appliquée et actuellement on continue à pénaliser fortement certaines spécialités en refusant de prendre en compte cet aspect. Il est devenu urgent de corriger cette anomalie source d’inégalités injustifiées
Enfin 2004 ouvre une situation nouvelle puisqu’à partir de cette date l’internat est accessible à tous les étudiants et non plus seulement aux candidats s’orientant vers une spécialité.
La formation des médecins généralistes va de ce fait s’améliorer et la maquette comporter des passages obligatoires vers quelques spécialités clés pour un généraliste comme la pédiatrie, la dermatologie, la psychiatrie…
Les médecins généralistes se trouveront ainsi, dans le futur, capables de mieux prendre en charge certains malades auprès desquels ils se trouvent actuellement mal à l’aise, les nourrissons par exemple.
Le rôle respectif entre généralistes et spécialistes va donc se trouver de ce fait profondément modifié.
Le spécialiste deviendra le médecin recours et beaucoup moins que maintenant celui qui suit les malades au long cours pour une pathologie donnée.

IV L’évolution des métiers
La réponse aux besoins de santé de la population et des structures hospitalières ne pourra être satisfaite que si des modifications sont apportées aux organisations actuelles.
L’observation de la situation dans quelques pays dont le niveau de développement économique et les indicateurs de santé sont comparables aux nôtres, Pays Bas, Grande Bretagne, Québec… montre que les besoins en médecins sont très dépendants des modèles d’organisations des soins.
La remarque vaut pour les généralistes comme pour les spécialistes.
Un généraliste français suit en moyenne moins de 1 000 patients, un généraliste néerlandais en suit 2 500.
En France, on l’a souligné, le nombre de spécialistes s’est considérablement accru au cours des vingt dernières années.
La baisse des effectifs doit conduire à redéfinir la place de la médecine générale et le partage des rôles entre généralistes et spécialistes doit être réexaminé en conséquence.
Elle doit amener à s’interroger également sur le rôle propre d’un certain nombre de professionnels de santé non médecins et sur une nouvelle répartition des tâches entre professionnels de santé.
Rôle des généralistes
La perspective d’une réduction des effectifs dans un certain nombre de spécialités et dans le même temps l’exigence d’une maîtrise de techniques médicales de plus en plus sophistiquées, conduisent à proposer de recentrer l’activité des médecins spécialistes sur leurs fonctions de référence.
Le médecin généraliste doit dans ce scénario être le médecin de premier recours et comme tel chargé de la coordination des soins aux patients.
La réforme du 3ème cycle des études médicales va instaurer à partir de 2004 un internat qualifiant en médecine générale. Elle légitime ce rôle de pivot du médecin généraliste.
Il conviendra de veiller à ce que les maquettes de formation des futurs internes spécialisés en médecine générale prenne en compte ces nouvelles missions en intégrant des modules de formations adaptés notamment en pédiatrie, en gynécologie, ORL… mais également en santé publique.
Cette mesure coordonnée à la réforme de l’internat permettrait d’amorcer dès 2008 une réorganisation des conditions de prise en charge dans les différentes spécialités dont les effectifs commenceront à baisser à partir de 2010.
La place des professionnels de santé non médecins
La recherche de l’adaptation des effectifs médicaux, aux besoins de la population conduit également à porter l’attention sur le contenu du ” métier ” médical et sur la répartition des tâches avec d’autres acteurs professionnels qui participent à l’acte médical.
Les modalités de formation et de qualifications des professionnels de santé ont beaucoup évolué au cours des années et dans un certain nombre de spécialités leur collaboration s’inscrit dans les protocoles de prise en charge des patients d’ores et déjà. Les exemples ne manquent pas et de nombreuses spécialités sont concernées ; on peut citer les opticiens et les orthoptistes en ophtalmologie, les infirmiers aides anesthésistes en anesthésie, les infirmiers de bloc opératoire pour l’activité chirurgicale mais également les manipulateurs de radiologie ou les psychologues dont les fonctions gagneraient à être précisées.
La répartition des rôles entre obstétriciens et sages femmes qui certes pour leur part exercent une profession médicale, à compétence limitée, constitue un mode d’organisation qui pourrait être repris pour d’autres professions
Dans chaque cas, une réflexion spécifique est à mener pour déterminer les actes qui pourraient être transférés dans le champ de compétence des professionnels concernés.
Mais la méthode à retenir dans son principe ne diffère pas suivant les spécialités.
L’objectif est dans tous les cas d’assurer un niveau de qualité et sécurité optimum dans la prise en charge du patient.
Il appartient donc aux différents collèges de spécialités, en accord avec les professionnels concernés, de déterminer dans les différents processus de soins ou de prise en charge, les actes qui peuvent être transférés dans les champs de compétence des professionnels non médicaux.
Les propositions qui résulteraient de ces travaux devront à la fois indiquer la nature des actes qui pourraient être transférés dans le champ de compétence des auxiliaires médicaux, établir les protocoles à suivre pour les réaliser et déterminer le contenu des formations complémentaires qui devront être mises en place pour les confirmer dans ces nouvelles attributions.
Les programmes de formation initiale de ces professionnels devront être revus en conséquence.
Cette formation pourrait d’ailleurs, à l’avenir être confié à des instituts universitaires de formation à l’image de ce qui se pratique dans la plupart des autres pays d’Europe.
L’élargissement du champ de compétence des professionnels de santé non médecins permet de recentrer l’activité des médecins sur les actes pour lesquels leur qualification est requise, mais il présente également l’intérêt d’être facilitateur dans l’organisation des réseaux de soins coordonnés qui devront être mis en place pour permettre une prise en charge globale des patients.

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SYNTHESE DES PROPOSITIONS
Première proposition :
Assurer la maîtrise de l’évolution des effectifs dans les différentes spécialités en déterminant le nombre de places ouvertes au concours d’internat par spécialités.
Deuxième proposition
Réviser la procédure d’agrément des services formateurs sur la base d’un cahier des charges national précis par spécialités.
Troisième proposition :
Revoir les maquettes de formation en y intégrant des troncs communs de formation.
Quatrième proposition :
Mettre en place des passerelles entre les spécialités.
Cinquième proposition :
Instituer une régulation à l’installation des médecins spécialistes et des médecins généralistes.
Sixième proposition :
Créer un post internat accessible à tous en instaurant un corps unique d’assistant hospitalier.
Septième proposition :
Organiser l’activité des spécialistes sur la base de nouvelles modalités autour de plateaux techniques.
Huitième proposition :
Redéfinir le rôle des médecins généralistes et des médecins spécialistes.
Neuvième proposition :
Reconnaître le rôle des professionnels de santé non médecins et déterminer pour chaque spécialité les actes qui pourraient être transférés dans leur champ de compétence propre.