Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Une certaine effervescence parlementaire se manifeste dans le cadre du champ pénal, des prisons, avec des projets de réforme de la loi pénitentiaire, du code de procédure pénale, mais aussi dans un autre domaine de la réforme de la loi du 27 Juin 1990.
Ce sous l’impulsion du gouvernement et de l’exécutif. De nombreux rapports, des mises en demeure européenne, une situation particulièrement problématique sous tendent ces orientations. Dans une période ou les effets d’annonce, la diffusion par les médias, les enquêtes par sondage jouent un rôle prévalent…
La situation :
*Dans le champ pénal, depuis Plusieurs années, dans un contexte d’inquiétude sociétale et sécuritaire, le nombre de personnes incarcérées a considérablement cru, tout comme le temps d’incarcération…
En corollaire, le nombre de personnes incarcérées présentant des troubles mentaux dans le cadre de comparutions immédiates croit, et sans avis psychiatrique la plupart du temps
Il existe aussi une limitation constante du nombre de personnes sous main de justice reconnues pénalement irresponsables.
Les détenus présentant des troubles psychiatriques sont souvent condamnés à des peines de prison prolongées, rejoignent la cohorte des détenus condamnés à de longues peines et présentant une décompensation psychiatrique. On constate ainsi l’existence d’un nombre conséquent de détenus présentant des troubles mentaux dans les centres de détention, sans accès aux soins nécessaires.
À l’heure actuelle , les alternatives à la détention sont limitées, mais le nombre d’injonctions de soins se développe régulièrement.
La loi Perben, la création des UHSA, ponctuent les orientations récentes, dans un contexte de flou et de limitation de moyens.

*Les hôpitaux connaissent aussi des difficultés majeures, ayant perdu en psychiatrie la majorité de leurs lits d’hospitalisation sans compensation institutionnelle, associant vétusté hospitaliere et inadaptation aux structures spécialisées, notamment de structures fermées.
La féminisation des corps professionnels soignants, les problèmes de formation des infirmiers rencontrent aussi des attentes sécuritaires, notamment celles signifiées par le chef de l’État dans son discours d’Antony Le 2 décembre 2008.
Dans les faits, les détenus hospitalisés en application de l’article D398 du code de procédure pénale connaissent des conditions d’hospitalisation particulièrement difficiles et inadaptées, notamment en chambres d’isolement.
Schématiquement des personnes sous main de justice présentant des troubles psychiatriques redevables de soins, ne sont soignées ni en milieu pénitentiaire, ni dans le cadre hospitalier.
L’hôpital et la prison ne remplissent pas leur rôle pour ces personnes.
Il est certain que les carences institutionnelles tant du milieu psychiatrique que du milieu pénitentiaire influent sur la situation actuelle. Les exclus de la société que sont les détenus et les malades mentaux cumulent les handica

Projets :
il va de soi que sans prise en compte des carences dénoncées, de la paupérisation de la psychiatrie publique, des conditions inhumaines de détention dans nos prisons, tout projet ne peut cautionner les manques décrits.
La tradition républicaine, les droits des libertés, l’humanisme ne sauraient être remis en question tout comme l’accès aux soins et l’égalité devant la loi…
La conjoncture actuelle induit plutôt une inégalité d’accès aux soins, avec les soubresauts de la sécurité sociale, la loi HPST, la médecine à plusieurs vitesses…
La suppression annoncée du juge d’instruction, le rôle renforcé du parquet, oriente la justice vers les procédures accusatoires au détriment de la procédure inquisitoire, privilégiant de fait les justiciables disposant de moyens financiers et pouvant se défendre, au détriment des personnes disposant de revenus faibles ou moyens. Là aussi, une justice à deux vitesses renforce l’américanisation de notre société hexagonale…
*dans le champ hospitalier, il apparaît maintenant nécessaire de dépasser le clivage historique entre le soin et la sanction pénale. Il s’agit de pouvoir soigner et punir en renforçant l’interface psychiatrie – justice.
Notre syndicat a déjà pris position dans ce domaine : il convient de retenir une seule forme d’hospitalisation sans consentement dépassant la dissociation entre l’hospitalisation d’office et l’hospitalisation à la demande d’un tiers.
Historiquement la psychiatrie s’est, dans les traces d’Esquirol, fourvoyée dans la gestion de l’ordre public, les relations proximales avec l’administration. Le flou du concept d’ordre public, son application inadéquate permet actuellement le développement conséquent des hospitalisations d’office d’urgence, et une grande réticence des préfets à lever les hospitalisations d’office.
La privation de liberté relève aussi de la justice et non de l’autorité administrative. L’anachronisme napoléonien se prolonge à l’heure actuelle avec l’exception française confiant à l’autorité administrative les internements psychiatriques et la gestion des centres de rétention.
Plusieurs voies d’accès à l’hospitalisation sans consentement peuvent être retenues. La majorité pour raisons sanitaires ordinaires, mais aussi les personnes sous main de justice reconnues irresponsables pénalement et celles présentant des troubles mentaux présentant des réactions asociales, des menaces pour la sécurité des personnes.
Dans toutes ces situations, la validation , le contrôle judiciaire s’imposent. Si pour des raisons d’efficacité et en période transitionnelle, le parquet et l’autorité administrative peuvent induire une hospitalisation sans consentement, le juge des libertés doit impérativement confirmer le fondement de l’hospitalisation après période d’ observation et rapport médical.
Notre syndicat a aussi pris position pour la mise en place de soins sans consentement en cure ambulatoire.
Lorsque que l’indication d’hospitalisation sans consentement n’apparaît plus indiquée, le juge des libertés peut être saisi par les médecins pour les personnes admises après acte médico-légal ou sous main de justice. D’éventuelles mesures de sûreté peuvent être retenues après expertise psychiatrique.

*le cadre pénal est aussi largement concerné. Il serait bien sûr judicieux de voir se développer les alternatives à la détention, les mesures de surveillance, voir régresser la dimension sécuritaire. Mais ceci relève de la responsabilité de l’institution judiciaire, du Parlement, de la société civile.
-La compatibilité avec la détention, la punissabilité , doivent être médicalement reconnues par avis médical des la mise en détention après comparution immédiate.
– des réévaluations régulières de l’état de santé psychique des détenus, des capacités ou nécessités de maintien de détention doivent s’opérer.
– pour les procédures criminelles, après reconnaissance de l’imputabilité personnelle des faits, pour les personnes présentant des troubles mentaux et pénalement responsables, une professionnalisation de la décision de sanction pénale doit éviter l’aggravation des peines.
– les détenus présentant des troubles psychiatriques et redevables de soins spécialisés peuvent éventuellement être hospitalisés en milieu ordinaire dans le cadre d’un sursis à exécution de peine.
. Des admissions en UHSA pour décompensation psychiatrique et hospitalisation de courts séjours peuvent être retenues.
. Les personnes présentant une particulière dangerosité relèvent de transfert en UMD
Soit sur le versant sanitaire, soit sur un versant judiciaire pouvant aussi recevoir des personnes présentant des troubles graves de la personnalité, avec dangerosité criminologique associée.
. Des unités de soins de long séjour, annexes de centres de détention, pourraient recevoir des détenus condamnés à de longues peines, présentant des troubles mentaux ou des troubles graves de la personnalité, ne pouvant être pris en compte de manière adaptée dans le milieu pénitentiaire ordinaire.
Ces différentes orientations s’appuient sur la réalité actuelle, l’absence d’accès aux soins pour des personnes sous main de justice redevables, mais aussi des personnes présentant une dangerosité particulière, redevables d’une loi de défense sociale.

Il convient de préserver, de retrouver la vocation sanitaire de la psychiatrie et de bien différencier l’espace thérapeutique de celui de la défense sociale.
Pour autant on peut soigner et punir, en utilisant des passerelles entre les champs de la justice et de la psychiatrie. Il en est ainsi pour les soins sans consentement en cure ambulatoire, mais aussi pour les injonctions de soins dont on peut suspecter un développement exponentiel dans les années à venir.
La vigilance s’impose pour préserver l’espace thérapeutique des soignants, mais aussi la liberté d’accès à l’espace thérapeutique des patients sous main de justice. Il convient de ne pas psychiatriser la justice, ni de judiciariser la psychiatrie.

Le carrefour expertal :
les axes ainsi définis rencontrent des problématiques majeures, tant quantitatives que qualitatives.
Ils s’appuient sur des expertises psychiatriques ou avis expertaux. Or la chute démographique du nombre d’experts inscrits sur les listes des cours d’appel est notable.
Environ 700 il y a quelques années, les experts sont maintenant près de 500.
Les conditions difficiles d’exercice, le défaut d’attractivité statutaire, les modifications globales de l’exercice professionnel apparaissent largement responsables de la situation.
Les experts psychiatres doivent maintenant au-delà des expertises diachroniques, introduire l’abord de la dangerosité criminologique, de la prédictivité dans leur pratique. Il leur faut s’impliquer alors dans la criminologie.
*Tout psychiatre qualifié doit être à même de fournir un avis expertal dans les expertises urgence, sur réquisition ou commission d’experts, préciser l’existence de troubles mentaux d’une personne examinée, si elle est redevable de soins spécialisés sans consentement immédiats, si elle peut avoir accès à la justice. Secondairement une expertise psychiatrique globale devrait se prononcer sur la responsabilité pénale, la dangerosité psychiatrique secondaire…
– sans être expert près de la cour d’appel, un psychiatre peut donner un avis expertal motivé sur une éventuelle injonction de soins, sa justification, son inadéquation.
*bien entendu la prise en compte de la situation de l’expertise psychiatrique pénale ne peut être évacuée : la fin de l’imbroglio socio fiscal, de la scandaleuse sous rémunération de l’expertise psychiatrique vis-à-vis des homologues européens ou des experts hexagonaux ne sauraient être éludés.
L’obligation de dualité d’experts, l’amélioration des conditions d’exercice, de l’accès documents médicaux et expertises antérieurs sont revendiqués depuis longtemps.
Il apparaît impératif dans le cadre du DES de psychiatrie de développer la formation médico-légale, et d’obtenir la création véritable d’un DESC psychiatrie médico-légale permettant une formation plus appropriée à la pratique de l’expertise et à l’abord de la criminologie actuellement embryonnaire au niveau psychiatrique.

Des revendications claires, fermement décidées et défendues nécessitent notre implication professionnelle et syndicale, dans une période probablement charnière pour l’interface psychiatrie- justice, pour le refus de la stigmatisation de la maladie mentale, de la ségrégation et pour la défense de l’accès aux soins des personnes non consentantes malgré leur état ou pour les personnes sous main de justice.