Depuis le 1er aout, la loi du 5 juillet 2011 réformant les soins sans consentement en psychiatrie s’est abattue avec toute son absurdité sur les hôpitaux psychiatriques et les tribunaux. Comme prévu, sa stricte application est impossible sans nier les particularités de l’exercice psychiatrique et la lourdeur abusive de ce dispositif mal conçu vient peser sur les équipes de soins et les magistrats déjà très sollicités.
Contrairement à ce que s’est empressé d’affirmer le ministère, l’application de la loi ne provoque pas tant des difficultés naturelles d’adaptation à une nouvelle donne, mais de vraies complications créées par le décalage entre une loi inscrite à son origine dans une stratégie politicienne et la réalité de la maladie mentale, de sa place dans la société et des besoins de soins.
Mise à l’épreuve du fonctionnement hospitalier, la loi dévoile ses incohérences et les explications de texte alambiquées du ministère en grossissent les contradictions. Ces interprétations sans valeur légale alimenteront les situations de recours juridiques sur les nombreuses failles du texte. En attendant, les imprécisions de cette loi mal construite doivent être utilisées par les soignants pour limiter son impact négatif sur les prises en charge des patients. Pour respecter globalement les nouvelles obligations administratives tout en assurant les soins dans le respect des droits, c’est à un exercice d’équilibriste et de contournements des injonctions contradictoires que s’appliquent les soignants. C’est aussi pour limiter les dégâts qu’on a assisté ces premiers jours à un flot de levées de mesures de soins sans consentement dans les établissements.
Les effets manifestes en sont déjà une amplification considérable de la charge de travail administratif qui prend sur le temps soignant pour constituer et vérifier des documents inutilement répétitifs. La multiplication des avis médicaux exigés n’apporte rien à la qualité de l’évaluation clinique et la rigidité des nouvelles contraintes appliquées aux patients contrecarre les missions de réadaptation de la psychiatrie. Elle restreint inutilement les libertés d’aller et venir quand la loi est supposée améliorer les droits. Et le contrôle du respect de ces droits par le juge des libertés et de la détention se fait dans de telles conditions de manques de moyens pour la justice et pour les établissements que l’exercice relève de la haute voltige.
La mise en œuvre de la loi en montre les défauts, en confirmant que les objectifs sanitaires n’étaient pas au cœur des réflexions des parlementaires qui l’ont votée. Avec la réforme hospitalière de la loi HPST, c’est pourtant une grande loi de psychiatrie et santé mentale dépassant le seul aspect des soins sans consentement qui était attendue pour redonner à la psychiatrie française les moyens d’assurer correctement la diversité de ses missions. Au lieu de cela, le ministère de la santé s’est engouffré dans les préoccupations d’ordre public du ministère de l’intérieur et a encore manqué l’occasion d’améliorer les conditions de soins en psychiatrie que les rapports officiels successifs ne cesseront de dénoncer.