Chargé par le Premier ministre d’une mission portant sur “l’évaluation de la dangerosité des auteurs d’infractions pénales atteints de troubles mentaux”, le député Jean-Paul Garraud poursuit la réflexion engagée par la commission santé – justice présidée par Jean-François Burgelin et dont le rapport a été présenté en 2005. L’auteur étudie plus particulièrement les méthodes pour évaluer “les” dangerosités (dangerosité psychiatrique ou criminologique) avant d’examiner les conséquences juridiques pouvant être tirées d’une dangerosité avérée.
Résumé des préconisations du rapport
Préconisation n°1
Développer une activité de recherche scientifique afin de définir les critères objectifs de dangerosité en distinguant la dangerosité criminologique de la dangerosité psychiatrique.
Préconisation n°2
Améliorer la rémunération des psychiatres et prévoir une graduation de cette rémunération en fonction de la complexité de la mission.
Préconisation n°3
Mettre en place un système de tutorat afin de permettre un accompagnement des nouveaux experts psychiatres par des experts confirmés.
Créer une « école de formation des experts » qui, placée sous l’autorité du ministère de la Justice, dispenserait des enseignements de méthodologie de l’expertise judiciaire et de méthodologie de rédaction des rapports, tout en permettant de créer les conditions d’une culture de complémentarité entre les différentes disciplines expertales ainsi qu’une synergie avec la formation des enquêteurs et des magistrats.
Préconisation n°4
Instituer dans le ressort de chaque cour d’appel, une instance de concertation entre les différents acteurs judiciaires et les experts médecins, psychiatres et psychologues.
Placée sous l’autorité conjointe des chefs de cour, cette structure aurait pour objet d’officialiser les échanges entre les professionnels et de définir, autant que de besoin, des modalités pratiques de collaboration ainsi que des protocoles d’intervention.
Préconisation n°5
Organiser une conférence de consensus sur l’expertise psychologique afin de réfléchir sur les objectifs et les limites des expertises psychologiques, l’identité, l’éthique et la déontologie des experts, leur solitude ainsi que sur les modalités pertinentes de réalisation des expertises, et de leur évaluation.
Préconisation n°6
Renforcer les exigences de formation des experts psychologues
Définir les incompatibilités circonstancielles à l’exercice d’une mission d’expert.
Identifier les domaines d’intervention de la psycho criminologie et les cursus universitaire et professionnel correspondants.
Préconisation n°7
Adapter l’objet de la mission de l’expert psychiatre requis au cours d’une garde à vue ou à l’occasion d’une demande d’aménagement de peine à la recherche d’éventuels troubles psychiatriques nécessitant des soins psychiatriques urgents et contre indiquant la garde à vue ou la mesure envisagée.
Préconisation n°8
Centrer les questions posées à l’expert psychiatre sur le diagnostic d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement ou le contrôle des actes du mis en cause au moment des faits, tout en demandant l’avis de l’expert sur la dangerosité de la personne ainsi que les perspectives d’une possible évolution.
Ajouter une question relative aux modalités de réponse pénale appropriées en cas de diagnostic d’une altération du discernement.
En cas d’incarcération de la personne, faire figurer les conclusions de l’expert relatives à l’altération du discernement sur la notice individuelle destinée à l’administration pénitentiaire.
Préconisation n°9
Développer et soutenir des recherches menées conjointement par des universitaires et des professionnels aux fins d’élaborer des outils actuariels d’évaluation de la dangerosité criminologique pouvant être utilisés au soutien d’un examen clinique.
Préconisation n°10
S’assurer que les fichiers et outils existants soient dotés des moyens financiers et matériels nécessaires à leur bon fonctionnement.
Préconisation n°11
Maintenir la mention des condamnations au bulletin n°1 du casier judiciaire, des individus dont la dangerosité criminologique est avérée.
Modifier la périodicité de l’obligation de justifier de son adresse (tous les mois) pour les individus inscrits au F.I.J.A.I.S. et dont la dangerosité criminologique est avérée.
Préconisation n°12
Développer les interconnexions entre les fichiers de police, de justice ainsi que les fichiers des autres administrations susceptibles de contenir des informations permettant d’appréhender l’éventuelle dangerosité d’une personne.
Préconisation n°13
Créer un Répertoire des Données à caractère personnel Collectées dans le cadre des Procédures Judiciaires (R.D.C.P.J.) rassemblant, sous la forme d’une base de données, l’ensemble des expertises judiciaires, psychiatriques et psychologiques, les comptes rendus des examens médicaux effectués en garde à vue lorsqu’ils mentionnent l’existence d’une forme de dangerosité, les analyses effectuées par le Centre National d’Orientation, ainsi que les documents administratifs relatifs aux hospitalisations d’office intervenues à la suite d’une décision fondée sur l’irresponsabilité pénale de la personne mise en cause.
Préconisation n°14
Créer des Centres Régionaux d’Observation ayant pour mission, au sein des différentes régions de l’administration pénitentiaire, de remplir les fonctions actuellement dévolues au C.N.O.
Préconisation n°15
Créer des « commissions pluridisciplinaires d’évaluation de la dangerosité » chargées, sur réquisitions judiciaires, de donner un avis sur la dangerosité d’un mis en examen ou d’un condamné.
Ces structures pourraient intervenir, soit de manière obligatoire, soit de manière facultative, selon la gravité des faits, aussi bien au stade de l’instruction du dossier, qu’au stade de l’exécution de la peine.
Préconisation n°16
En cas de non-lieu à raison de l’irresponsabilité pénale de la personne mise en examen, confier au collège de l’instruction ou, à défaut, à la chambre de l’instruction, la charge de se prononcer sur l’imputabilité des faits.
Préconisation n°17
Définir plus précisément la procédure de l’article L.3213-7 du code pénal en fixant des délais de transmission d’information et de prise de décision d’hospitalisation d’office.
Préconisation n°18
Modifier les dispositions la loi du 27 juin 1990 en créant une obligation de soin ambulatoire et en modifiant en conséquence le régime de la sortie d’essai. Avoir une réflexion pour savoir ce qu’il convient de faire après la levée de l’hospitalisation d’office.
Préconisation n°19
Etendre la peine de suivi socio-judiciaire à l’ensemble des infractions d’atteintes aux personnes.
Supprimer le numerus clausus des dossiers pouvant être suivis par un même médecin coordonnateur.
Préconisation n°20
Instaurer une mesure de « suivi de protection sociale » : Destinée à assurer un suivi social des auteurs d’infractions ayant purgé leur peine privative de liberté et présentant une dangerosité criminologique persistante, cette mesure de sûreté de nature non pénale, serait prononcée, pour une durée indéterminée, par le juge des libertés et de la détention, au visa d’une expertise sur la dangerosité réalisée par la « commission pluridisciplinaire d’évaluation de la dangerosité », à l’issue d’un débat contradictoire, public, tenu en la présence d’un avocat.
Dans le cadre de cette mesure, révisée tous les deux ans, la personne concernée serait tenue, sous le contrôle de l’autorité préfectorale via les forces de l’ordre et au besoin des D.D.A.S.S., de respecter certaines obligations ou interdictions comparables à celles pouvant être prononcées dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire. Le non-respect de l’une de ces obligations ou interdictions serait constitutif d’une nouvelle infraction.
Préconisation n°21
Instaurer une mesure de sûreté exécutée en milieu fermé, au sein d’un Centre Fermé de Protection sociale :
Il s’agirait d’un établissement public cogéré par les ministères de la Justice, de l’Intérieur et de la Santé, destiné à accueillir les auteurs de crimes présentant une dangerosité criminologique persistante et particulièrement forte et ne bénéficiant d’aucune mesure de suivi en milieu ouvert et ce, après une décision de principe prononcée, soit par la juridiction de jugement, soit par le tribunal de l’application des peines.
Afin de confirmer la persistance de la dangerosité de la personne au moment de l’entrée en vigueur effective de la mesure, sa mise en œuvre devrait toujours résulter d’une décision finale du tribunal de l’application des peines, cette décision étant rendue au visa d’une expertise confirmant cette dangerosité, réalisée par la « commission pluridisciplinaire d’évaluation de la dangerosité », après un débat contradictoire, public, tenu en la présence de l’avocat de l’intéressé. Le prononcé de cette mesure de sûreté devrait faire l’objet d’une révision annuelle.