Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire sont soumis à de nombreuses contraintes souvent autour de détails très précis, peu connus en-dehors des quelques professionnels qui y sont confrontés. Il peut être utile de partager ces préoccupations dans un souci d’échanges des pratiques professionnelles.
Les difficultés liées à la délivrance des attestations en milieu pénitentiaire font partie des complexités qui amènent souvent les équipes au bord de l’exaspération.
Le principe d’une conférence de consensus est bien connu : une thématique scientifique est posée ; un groupe de bibliographie recense les données ; un jury élabore des questions ; des experts sont nommés pour traiter des différents aspects; une séance publique en permet l’exposé avec débats avec la salle ; réunion du jury et émissions de recommandations qui servent de références et sont à la disposition de la communauté professionnelle.
Outre cette dynamique descendante, une dynamique ascendante est également possible. Elle a eu lieu lors du séminaire du 29/30 avril 2009 organisée au ministère de la santé par la DHOS consacré aux soins aux personnes détenues.
Parmi les 8 ateliers, l’un d’entre eux était intitulé : « Promouvoir la demande de soins » (cf. deux diapos dans le corps du texte). Dans cet atelier, le problème de l’incitation aux soins et l’articulation du sanitaire et du judiciaire ont été discutés. En effet, depuis 2007, les SMPR et les DSP (les dispositifs de soins psychiatriques) sont « harcelés » par les personnes détenues pour avoir des certificats de suivis, notamment si elles relèvent de la subtile et perverse « injonction de soins encourue « (ISE). L’ISE, diabolique et perverse invention, concerne les personnes condamnées pour une infraction relevant d’un suivi socio-judiciaire (SSJ) avec injonction de soin (IS), mais pour lesquelles l’IS n’a pas été prononcée au moment du jugement.
On sait également que l’IS initialement prévue avec la loi de 1998 pour les infractions à caractère sexuel s’est étendue progressivement à d’autres infractions non sexuelles (incendie volontaire, violences non sexuelles). Le nombre des personnes pouvant en relever est, de fait, de plus en plus important.
On sait également que le principe de l’IS apportait un progrès par rapport à l’obligation de soins (OS) prononcée souvent lors du sursis avec mise à l’épreuve (SME) et le plus souvent sans expertise médicale, uniquement selon le sentiment du magistrat. L’IS ne peut être prononcée par le juge, comme peine principale (en matière correctionnelle) ou comme peine complémentaire (en matière criminelle) uniquement si un expert psychiatre l’a préconisé. L’ISE échappe totalement à l’expertise, conduisant à un automatisme infraction relevant de l’IS = ISE. Il s’agit peut-être de répondre au problème de la pénurie d’expert…..
Pour les condamnés relevant de l’ISE, cette contrainte aux soins en milieu pénitentiaire s’exerce sous la forme de pressions fortes (pour ne pas dire de chantage). Sans consultation, pas d’aménagements de peines, pas de remises de peines supplémentaires, pas de permission, encore moins de libération conditionnelle etc.
Il s’ensuit tout un jeu relationnel complexe entre le justiciable, les services sanitaires, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), le juge d’application des peines (JAP) et l’administration pénitentiaire. Des tensions notables surgissent avec une agressivité montante, source potentielle de situations dangereuses. Les pressions sur les infirmiers peuvent être fortes lors des distributions de médicaments en détention : « Quand est-ce que j’aurais mon certificat ? La commission des peines est dans deux jours…». Pour une fois, il semble très simple pour le psychiatre de pronostiquer un état dangereux avec une grande certitude….et qui trouve son origine dans les inconséquences de la loi (le législateur a une importante part de responsabilité dans la création de situations dangereuses).
Confrontés à ces situations, les psychiatres et les psychologues exerçant en milieu pénitentiaire cherchent des solutions pour rédiger cers attestations sans trahir le secret professionnel ni se mettre en position pseudo-expertale. Par exemple, attester qu’il n’est pas relevé d’indication de soin revient à donner un avis expertal. Les modalités de rédaction des attestations ou les difficultés rencontrées par les uns et les autres font l’objet d’échanges nourris.
Lors du séminaire d’avril 2009, la solution suivante est apparue : une attestation de suivi formulée de la manière suivante : « Mr, Mme X bénéficie d’un suivi effectué par le dispositif de soin Y » et signée du médecin-chef.
Cette formulation est apparue suite à la démarche fréquente effectuée indépendamment des uns des autres par les différents professionnels qui ont ainsi dégagé sans se concerter, une solution commune. La signature par le médecin chef (mais cela existe-t-il encore un chef de service ?) a l’avantage d’attester symboliquement d’une démarche sans personnalisation soignante car les JAP ou les SPIP ont tendance à privilégier le suivi par l’un ou l’autre, voire à souhaiter telle ou telle démarche thérapeutique. Il s’agit donc d’un consensus ascendant, né de la pratique de terrain et qu’il convient de proposer de manière descendante dans un deuxième temps.
Toutefois, cette formulation ne résout pas tout car que dit-on si aucune démarche thérapeutique n’est relevée ? Attester d’une absence d’indication de soin est de nouveau faire acte expertal.
Certains magistrats demandent également si le soin est bien en relation avec l’infraction ou exigent de connaître la fréquence des soins quand ils ne la prescrivent pas (mais une consultation par semaine n’est pas suffisante et trois consultations par semaine signent de graves perturbations psychiques qui imposent de ne pas libérer un individu aussi dangereux…). En outre, des susceptibilités individuelles peuvent conduire au sein de certaines équipes à refuser le rôle prééminent symbolique du chef de service (pas étonnant que sa disparition soit si facilement intériorisée).
La question est donc en permanente discussion. Il faut trouver une solution qui satisfasse chacun, puisse clore une démarche quérulente et laisser la porte ouverte aux soins ou à l’absence de soins.
Par exemple, une attestation signalant uniquement que la personne a été reçue par le dispositif de soin, sans date, ni fréquence, ni motif et tamponnée par le secrétariat (sur demande et contrôle évidemment de celui qui a reçu l’intéressé) pourrait s’avérer suffisante, agrémentée éventuellement de quelques remarques selon les humeurs locales (bas de page de l’attestation). Pour de plus amples renseignements, il appartient au magistrat de missionner un expert.
SECTEUR DE PSYCHIATRIE EN MILIEU PENITENTIAIRE
SERVICE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE REGIONAL (SMPR)
ATTESTATION DE DEMARCHE
Monsieur, Madame X a été reçu(e) au SMPR (DSP) le
Attestation remise en mains propres à l’intéressé(e), à sa demande, pour faire valoir ce que de droit.
Fait à , le
Le secrétariat
Tampon du service
En l’état actuel des connaissances, il est impossible de pronostiquer les effets de la démarche de l’intéressé sur son comportement, notamment en matière de récidive d’infractions. La consultation au SMPR repose sur une demande de soulagement d’un trouble psychique. En conséquence, la consultation au SMPR et le devenir pénitentiaire (remise de peine, aménagements de peine par ex.) doivent être totalement dissociés. Toute autre considération, comme l’analyse de l’évolution de la personnalité ou le repérage d’une dangerosité éventuelle, doit relever de la compétence et de l’habileté expertales.