Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Par circulaire inter ministérielle du 11 janvier relative aux modalités d’application des sorties d’essai d’hospitalisation d’office, les préfets viennent de recevoir du ministère de la santé et du ministre de l’Intérieur des encouragements à ne pas s’embarrasser des craintes de recours pour « excès de pouvoir » contre leurs décisions. Toute personne hospitalisée d’office voit ainsi s’éloigner ses espoirs d’obtenir l’aménagement thérapeutique que constituent les sorties d’essai de la loi du 27 juin 1990.

Car s’il est bien noté dans cette circulaire qu’elles permettent l’adaptation du traitement au bénéfice du malade hospitalisé sans consentement, sur « proposition écrite et motivée » du psychiatre seul à pouvoir apprécier l’état de santé mentale de la personne, ces caractéristiques sanitaires pèsent peu face à ce rappel vigoureux : il appartient aux préfets de département et à Paris au Préfet de Police de décider du maintien sur le seul critère du risque de troubles à l’ordre public.

Qu’importe l’état actuel du patient, les hôpitaux psychiatriques ne sont plus destinés qu’à contenir toute agitation sociale potentielle. Les voilà aux ordres des préfets encouragés par les ministres de la Santé et de l’Intérieur à ne faire valoir, jurisprudence choisie à l’appui, que les principes de précaution. N’est-il pas hasardeux d’affirmer que la jurisprudence administrative et judiciaire, pourtant en constante évolution, assurera réellement l’impunité aux préfets, lorsqu’ils iront à rebours des avis médicaux ?

Dans la droite ligne du discours présidentiel du 2 décembre 2008 à Antony, dans une ambiance préélectorale et d’orchestration médiatique de la récidive criminelle dans tous ses états, cette circulaire rappelle que la psychiatrie sera systématiquement ramenée à la part de dramatisation et d’émotion que suscite la maladie mentale. Et quand elle voudra faire valoir que l’immense majorité des soins psychiatriques concerne le tout-un-chacun, qu’ils se déroulent à 80% en ambulatoire et sont en augmentation constante, que les mesures favorisant l’arbitraire et le sécuritaire sont préjudiciables à tous, et que murs et cameras ne peuvent se substituer, sans dégâts pour l’efficacité des soins, aux soignants en chair et en os, on l’accusera encore, déjà suspecte de légèreté et d’incompétence, de vouloir défendre criminels, monstres et anormaux.

Que le ministère de l’intérieur se préoccupe de l’ordre public, on pourrait s’en satisfaire. Que l’ordre public se confonde avec des dispositions sanitaires devenues d‘une telle rigidité que les sorties des hôpitaux psychiatriques, pour hypothétiques qu’elles étaient, deviennent inaccessibles, on le déplore déjà. Que des circulaires renforcent une vision passéiste de la psychiatrie sans tenir compte des propositions formulées dès 1997 par le groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990 qui s’était prononcé pour la suppression de la référence au trouble à l’ordre public, on le condamne.

Mais que la ministre de la santé autorise ces manœuvres en vantant les nécessités et les vertus d’une future loi concertée pour la psychiatrie et la santé mentale, sans craindre d’ouvrir dans le même temps un concours pour la 4e journée européenne des droits des patients, on est en droit de s’en indigner.

Il est clair désormais qu’on veut faire jouer à la psychiatrie publique le rôle d’auxiliaire d’un pouvoir normatif et sécuritaire. Les Psychiatres des Hôpitaux refusent de servir d’alibis à la rétention de personnes dont l’état de santé réclame la sortie.