Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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AMIS Kamophiles Bonjour et bonne année !

Faisons semblant. Respectons les usages. Dans le magique : souhaitons nous une bonne année.
Ce dont on peut être certain, c’est que 2011 sera encore une année de lutte, de combat, pour éviter que la psychiatrie ne devienne qu’un outil de contrôle social avant peut-être, une fois cet échec constaté par les « puissants », qu’elle ne tombe tout simplement dans l’oubli.
Pourquoi l’oubli, car si Pinel a mythiquement enlevé des chaines il y a deux cents ans, et pas seulement celles de personnes souffrant de troubles mentaux, mais celles de nous tous (il en faut dans les têtes pour vouloir en permanence entraver son prochain), nous sommes en train de nous remettre des chaînes en créant une société du spectacle, de l’affichage, de l’auto-renseignement offert spontanément à tous les fichiers multiples qui fleurissent de-ci de-là, à la perte de l’intimité et à son étalage impudique. Tout le monde s’y mettant spontanément, autant faire encore des économies en se passant de la psychiatrie, de son impossible quantification médico-économique, de ses coûteuses « jargonnades » et de ses incessantes contestations. Vidéosurveillance, bracelets électroniques aux coûts rentabilisés et diminués en en partageant la gestion « intelligemment » entre hôpitaux et prisons semblent être l’avenir du contrôle de tous les dangereux avérés ou supposés le devenir, repérés si possible dès leur plus jeune âge (quoi de rêver de mieux comme articulations opérationnelles optimales entre santé/justice/pénitentiaire ?).
Deux mots peuvent qualifier les paradoxes de l’actualité médico-légale : régression et incohérence.
Régression quand les principes fondamentaux de la médecine sont oubliés, notamment avec le risque en route d’un « retour de la médecine et de la psychiatrie pénitentiaires ». La réaction de nos confrères suisses, communiquée par le Pr Bruno Gravier, qui souhaite une forte diffusion de cette information, au sujet de la grève de la faim chez les personnes détenues, illustre cette problématique des soins aux détenus. Incohérence quand les intentions annoncées de prendre en considération l’état mental d’un justiciable avant de le juger ou en cours de son parcours d’exécution de peine et de son aménagement sont rendues impossibles par les conditions de réalisation de l’expertise, déjà de piètre qualité, mais de surcroît complexifiées au point de la rendre impossible. Inacceptable dans un État de droit. Il en est de même pour les missions des médecins coordonnateurs.
C’est inouï de voir la discordance entre les recommandations de loi Kouchner sur l’information au patient, les démarches diverses de la HAS (cf. par exemple Rencontre HAS 2010 et les propos du Pr Degos : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_978353/rencontres-has-2010-2-3-decembre) sur le parcours de soin (concept en vogue) ou encore l’accompagnement et l’information donnée au patient sur son traitement ET les dérives de la CPU ou de l’injonction de soins « encourue ». Heureusement, CPU et injonction de soins encourue n’ont pas encore fait de morts, contrairement à certains médicaments ; en outre, il s’agit de personnes détenues, donc leurs droits de citoyens sont encore plus difficiles à défendre devant l’opinion publique. Pourtant, il existe des points communs et la notion de « conflits d’intérêts » peut aussi se poser dans la problématique de la CPU. Il serait temps que les modalités de soins aux personnes détenues sortent du déclaratif « faire en sorte que les soins prodigués soient alignés aux soins de droit commun » (c’est l’argumentaire qui a préludé à la création des UHSA) alors que tout l’inverse est en train de se mettre en place. L’assuré social non incarcéré accepterait-il que son bailleur ou son patron soit au courant des mesures prises à son sujet ? Non ; actuellement, les mesures sanitaires prises pour les personnes détenues sont scandaleusement en opposition avec celles voulues pour l’usager « ordinaire» du système de soin. Pour oeuvrer efficacement avec ceux qui ont transgressé, parfois gravement aux règles de la vie collective, il faut impérativement leur renvoyer l’équité qu’exige la loi républicaine. Il s’agit d’un principe nécessaire (mais non suffisant) préalable à toute démarche thérapeutique qui s’inscrit dans l’espérance de diminuer la répétition de pulsions mortifères et des actes répréhensibles qui s’en suivent.
Toutes ces embûches, et ce déni de la réalité carcérale, ne doivent pas pour autant nous renoncer à réfléchir sur nos pratiques et les situations cliniques que nous rencontrons. Vous trouverez ainsi dans ce numéro de Kamo une enquête de dépistage réalisée au SMPR de Baie-Mahault pour évaluer une éventuelle relation entre la consommation de toxiques et les infractions réalisées.
L’année 2011 sera donc difficile pour la psychiatrie et la psychiatrie légale. Les conséquences de la loi HPST sur le fonctionnement des hôpitaux psychiatriques, la réforme de la loi de 1990 et l’important débat autour des soins ambulatoires sous contrainte, l’attente d’une loi spécifique d’orientation pour la psychiatrie et les attaques contre l’exercice de la médecine et de la psychiatrie en milieu pénitentiaire devraient tous nous mobiliser. L’équipe rédactionnelle de Kamo éprouvera probablement quelques difficultés à suivre tous ces débats. Nous ne pouvons donc que souhaiter que vos collaborations puissent enrichir nos analyses ou y suppléer quand nous sommes débordés….
Toutefois, ces collaborations sont déjà indirectement effectives. Kamo se fait souvent l’écho de prises de positions associatives ou syndicales. Ainsi, par exemple dans ce numéro, vous trouverez le positionnement sans ambiguïtés de nos collègues suisses sur la conduite à tenir face à la grève de la faim des personnes détenues. Kamo espère vous donner rendez-vous en 2011 au moins une fois par trimestre (3 numéros en 2010 ; 6 en 2009 ; 8 en 2008 ; 9 en 2007 et 4 en 2006), plus si « affinités » !
2011 est l’année des Outre-mer. Le savez-vous ?
Même en Guadeloupe, on n’en parle peu. L’objectif de ce projet gouvernemental est décliné de la manière suivante: « Éclairer la réalité des outre-mer français, au-delà des clichés sur les “enfers de cyclones ou de crises sociales” ou les “paradis de cocotiers” : c’est l’ambition de Daniel Maximin, commissaire de l’année des Outre-mer, manifestation qui se déroulera tout au long de 2011 » (http://www.outre-mer.gouv.fr/?2011-
annee-des-outre-mer-une-manifestation-pour-aller-audela- des.html).
Kamo tient à vous en faire d’autant plus part que le président et la trésorière de Socapsyleg y ont apporté leur petite contribution, sous la forme de quelques photographies de plages, dans un beau livre édité par l’Association Pour la Valorisation de l’Environnement de la Guadeloupe (AVEG) dont on peut espérer qu’il sera disponible ailleurs qu’en Guadeloupe prochainement.
Michel DAVID.