Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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(Par Hélène MAUDUIT)

PARIS, 10 septembre 2008 (APM) – Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, fera des visites approfondies, sur plusieurs jours, dans des établissements psychiatriques pour vérifier le respect des droits des personnes hospitalisés sous contrainte et la qualité de leurs conditions de vie, a-t-il déclaré mercredi dans un entretien à l’APM.

Une première visite d’un établissement psychiatrique est prévue la semaine prochaine, a-t-il annoncé à l’APM. Jean-Marie Delarue, nommé en juin, a désormais constitué son équipe, au complet depuis le 1er septembre (cf dépêche APM HMLI4003).

Un établissement visité sera prévenu quelques jours avant, le contrôleur général estimant que ce laps de temps ne serait pas suffisant pour masquer des défauts majeurs. Mais il n’exclut pas d’effectuer des visites surprises, notamment dans le cas où un problème précis aurait été identifié.

Chaque visite sera effectuée par une équipe pluridisciplinaire de 2 à 5 contrôleurs, en fonction de la taille de l’établissement. Jean-Marie Delarue remarque que les établissements psychiatriques sont de taille importante avec une forte proportion de patients sous contrainte (près de 50% des patients hospitalisés pour des hôpitaux de région parisienne).

La visite, aussi longue que nécessaire, portera sur le ou les unités accueillant des personnes en hospitalisation d’office (HO) et en hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) si des unités spécifiques existent et sur l’ensemble de l’établissement si ces patients sont mêlés aux patients en hospitalisation libre.

Les trois contrôleurs qui sont médecins (Betty Brahmy et Olivier Obrecht) ou directeur d’hôpital (Bernard Raynal) devraient participer aux visites d’établissements psychiatriques en tenant un rôle technique du fait de leurs bonnes connaissances du milieu hospitalier. Les autres contrôleurs, originaires d’autres milieux professionnels (magistrat, policier, personnel pénitentiaire), apporteront d’autres points de vue, par comparaison avec les lieux de privation de liberté qu’ils connaissent.

“Nous allons regarder tout ce qui se passe, dans les services accueillant des patients sous contrainte mais aussi l’ensemble des services communs. Nous allons procéder à un premier examen sur la politique mise en oeuvre localement, en interrogeant le directeur de l’établissement, le président de la commission médicale d’établissement (CME) et les personnels soignants”, indique Jean-Marie Delarue.

“Nous établirons un état matériel des lieux, sur la vétusté et les atteintes des bâtiments”, déclare-t-il, en soulignant que ces locaux n’ont souvent pas fait l’objet d’un “effort majeur de rénovation dans les cinquante dernières années”.

CONTRADICTOIRE ET CONFIDENTIALITE

“Nous mènerons aussi des entretiens particuliers et confidentiels avec toute personne qui souhaite être entendue et que nous souhaiterons entendre, des médecins, des infirmiers, des aides soignants, des malades, des familles, mais aussi éventuellement des anciens malades ou des anciens personnels soignants”.

Il n’y aura pas de tierce personne présente lors de ces entretiens, qui seront les plus nombreux possibles, afin qu’il ne soit pas possible de savoir de qui vient une information sensible ou qui pourrait nuire aux personnes qui les dénoncent.

“Tous les canaux d’information sont mobilisables. Ce qui m’importe, c’est que le processus soit contradictoire et que la confidentialité des déclarations soit respectée”, souligne Jean-Marie Delarue. “Ce qui m’intéresse, c’est de donner la parole à des gens à qui personne ne parle, à qui personne ne rend visite”.

L’état de santé des patients de psychiatrie interrogés sera pris en compte, et notamment le fait que leur perception de leur réalité peut être affectée. Le caractère contradictoire du recueil d’informations, en interrogeant la famille du patient par exemple, permettra de faire la part des choses, une démarche identique à celle menée en milieu pénitentiaire, remarque-t-il.

Le contrôle portera aussi sur tous les documents administratifs afférant à la décision d’hospitalisation sous contrainte, pour vérifier la légalité de la procédure. En revanche, il ne revient pas aux contrôleurs d’apprécier le motif de l’hospitalisation.

Le secret médical pourra être opposé aux contrôleurs. Jean-Marie Delarue a prévu de rencontrer le président du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), notamment pour savoir si les contrôleurs qui sont médecins pourront aller plus loin que leurs collègues non médecins.

La mission va constituer une banque de données sur les établissements psychiatriques à partir des informations administratives, des rapports d’inspection et des autres informations, par exemple venant des associations.

Jean-Marie Delarue compte travailler avec les associations nationales de familles, de malades et anciens malades de psychiatrie (l’Unafam et la Fnap-psy notamment), qu’il a prévu de rencontrer, mais aussi avec les comités d’usagers constitués dans les établissements.

Le contrôleur général reconnaît que son équipe de 21 contrôleurs (12 à temps plein et 9 à temps partiel) a un nombre important de lieux à contrôler -de l’ordre de 6.000 même si le chiffre exact n’est pas connu- mais il privilégie des visites approfondies, mieux à même de dégager des recommandations applicables dans tous les lieux similaires. “Nous voulons faire oeuvre de méthodologie et de pédagogie”.

Il estime que le caractère restreint de son équipe ne constitue pas un handicap pour accomplir sa mission. Il n’attendra pas d’avoir visité l’ensemble des 6.000 lieux de privation de liberté pour émettre des recommandations et estime que les ministres responsables et les directeurs d’établissement ne doivent pas attendre la visite du dernier établissement spécialisé pour “enfin faire quelque chose”.

Le contrôleur général compte rendre publiques les recommandations soulevant des questions d’ordre général, pouvant être utiles à d’autres établissements, sans obligatoirement donner de détails sur des recommandations ponctuelles. “A priori, je ne me censurerai pas mais je ne vais pas tout rendre public”. “Plus nous serons rigoureux, plus nos recommandations seront incontestables et plus elles seront partagées”.

PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES DETENUS

En établissements pénitentiaires, le contrôleur général portera une attention particulière sur les conditions de la prise en charge sanitaire des détenus.

Il cite notamment le transport des détenus vers les centres hospitaliers, estimant que les conditions actuelles ne sont pas satisfaisantes. La question de la composition de l’escorte (policiers, gendarmes ou personnels pénitentiaires), en discussion depuis plusieurs années, n’est pas résolue.

Le contrôleur général se penchera sur cette question, citant l’état des véhicules utilisés pour le transport et les temps d’attente pour accéder à une consultation ou à des soins.

“Ces problèmes administratifs cachent des problèmes humains terribles. Il y a des cas où des gens n’ont pas reçu des soins nécessaires en temps utile, c’est inacceptable”.