Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux et l’Union Syndicale des Magistrats ont pris connaissance de la proposition de loi réformant les soins sans consentement, déposée à l’Assemblée Nationale par son rapporteur le député Robiliard pour répondre à la décision du Conseil Constitutionnel du 20 avril 2012, et examinée ce jour par la commission des affaires sociales.
La loi du 5 juillet 2011 avait dès sa conception cristallisé tous les mécontentements. Et après deux ans d’application, les analyses les plus critiques se trouvent confirmées. Les nombreux dysfonctionnements tiennent d’abord aux lourdeurs et aux complications qu’entraîne une conception dépassée, écartelée entre des exigences opposées voulant accroître à la fois les aspects sécuritaires et libertaires. Ils tiennent ensuite à des lacunes et à une écriture très approximative, dans laquelle se perd la volonté du législateur et qui a ouvert la porte à des interprétations multiples. Ils relèvent enfin de l’insuffisance des moyens attribués face à l’inflation des besoins qui en découlent, autant pour le monde soignant que judiciaire, sans que les avantages pour les patients en sortent véritablement renforcés. C’est ainsi que le contrôle systématique des hospitalisations sans consentement mis en œuvre dans l’urgence, 25 jours seulement après le vote de la loi du 5 juillet 2011, sans que les moyens matériels et humains annoncés soient fournis, a très lourdement impacté les services de santé et les services judiciaires.
Au regard du nombre et de la diversité des auditions menées par la mission parlementaire d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, les efforts entrepris par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale pour faire évoluer la loi sur les soins sans consentement en psychiatrie sont à saluer. Cependant, même si certaines dispositions rejoignent les observations formulées par le SPH et l’USM, il faut déplorer que l’occasion n’ait pas été saisie de faire évoluer des aspects majeurs.
Le SPH et l’USM avaient en effet, bien avant le projet de judiciarisation des soins sans consentement, prôné ensemble un contrôle renforcé des privations de liberté que constituent l’hospitalisation et les soins ambulatoires sous contrainte, allant bien au-delà des choix faits par le législateur. Ils avaient souligné que pour un dispositif simple privilégiant le sanitaire, la clinique et le contrôle des libertés, la loi française devait évoluer, comme ailleurs, vers un seul mode de soins sans consentement, sous contrôle d’opportunité par le juge et avec des sorties décidées par le médecin.
Si l’intervention du préfet peut se justifier pour une admission, le maintien de la référence à l’ordre public pour prolonger une hospitalisation préserve en effet une exception française qui donne au préfet le pouvoir de s’opposer à une levée d’hospitalisation contre l’avis médical : une personne peut ainsi être maintenue à l’hôpital contre sa volonté alors même qu’elle ne relève pas de soins psychiatriques en hospitalisation !
On regrette aussi que le projet de loi n’ait pas envisagé la question des hospitalisations en psychiatrie des mineurs, auxquels une hospitalisation peut être imposée sans aucun contrôle du juge.

Quant aux modes de prises en charge « autre qu’en hospitalisation complète » prévus dans la loi, la jurisprudence et la décision du conseil constitutionnel en ont révélé l’inconsistance légale : les conceptions juridiques selon lesquelles le processus administratif doit reprendre à son tout début en cas de ré-hospitalisation et l’avis constitutionnel précisant que les patients ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive autrement qu’en hospitalisation, ont vidé de sens l’objectif initial de la loi. Et rien n’est prévu dans ce projet de réforme pour lever cette ambiguïté sur la place des soins ambulatoires dans les soins sans consentement.

Dans la loi actuelle, le contrôle du juge exercé au 15ème jour d’hospitalisation est déjà notoirement insatisfaisant : audiences réduites à quelques minutes, inadéquation des visioconférences trop fréquentes, absence de l’avocat à l’audience, mobilisation du JLD qui ne peut gérer d’autres urgences …Etc. Avancer ce contrôle au 10ème jour permettra certes d’alléger les tâches répétitives des certificateurs, mais il entraînera une augmentation des saisines du juge de plus de 40% et une augmentation du nombre des audiences de près de 20%, augmentant considérablement les taches de tous les intervenants. En retenant le principe du déplacement du juge à l’hôpital, alors même qu’ils ne parviennent pas matériellement à le faire aujourd’hui, les retards vont s’accumuler dans d’autres contentieux. Il parait donc certain qu’en l’absence de moyens complémentaires pour des juridictions déjà exsangues et en état de cessation de paiements, le présent projet ne fera qu’aggraver les choses. Et budgétairement, si la présence obligatoire d’un avocat n’est pas à contester, c’est à minima 1,2 millions d’euros supplémentaires au titre de l’aide juridictionnelle qu’il s’agira de trouver.

La simple proclamation de principes, aussi bienveillants soient-ils, ne suffira pas, et une loi votée sans les moyens de la rendre applicable ira, dans les faits, à l’opposé du renforcement des droits des patients.