Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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À l’avant veille des discussions sur la réforme de la loi de 1990 sur la psychiatrie, les professionnels paraissent inquiets. Invités par le Comité d’action syndical de la psychiatrie (CASP) au Sénat jeudi à discuter de leur avenir, les participants ont émis de nombreuses craintes avec l’impression étrange d’être incompris des hommes politiques en particulier. En dehors de la présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini, également sénatrice centriste du Rhône qui les a accueilli, aucun sénateur n’a fait le déplacement pour entendre les psychiatres, ont relevé plusieurs voix dans l’assemblée.

Un sujet sensible
Le sujet est sensible et compliqué. Pendant cette matinée, les intervenants se sont livrés à quelques joutes sémantiques opposant le concept de santé mentale à celui de maladie mentale. La succession depuis plusieurs années d’études dressant l’état des lieux de la psychiatrie démontre l’hétérogénéité de cette problématique. Pendant ce colloque, les rapports d’Édouard Couty (lire notre interview du 02/02/2009) ou d’Alain Milon (lire notre dossier du 20/04/2009) ont été cités en contre exemple par certains professionnels. Le discours qualifié de sécuritaire de Nicolas Sarkozy à Antony semble gravé dans la mémoire des psychiatres et peut expliquer en partie leurs réticences face au projet de réforme qui circule (lire notre brève du 11/12/2008). De son côté, Muguette Dini a déclaré qu’il ne fallait “pas réduire la psychiatrie à la gestion de la dangerosité” et elle a ainsi rappelé que les sénateurs réclament depuis deux ans l’organisation d’États généraux de la psychiatrie. Ajoutant que ce souhait n’étant pas pour l’instant partagé par le gouvernement, il reste donc sans suite.

Un avenir compromis
Au Sénat, les psychiatres ont semblé majoritairement voir leur avenir d’un mauvais œil. Les établissements sont ou vont être confrontés à la diminution du nombre des psychiatres, a-t-on entendu. À cette problématique démographique s’ajoute un manque de reconnaissance et une situation complètement paradoxale où on assiste à la fois à la médicalisation de la discipline et à la “dé-médicalisation des sorties”, a relevé Isabelle Montet, secrétaire générale du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). Le pouvoir de décider de la sortie d’un patient hospitalisé d’office échappe de plus en plus aux psychiatres, relevant de la responsabilité des préfets. Une emprise administrative qui s’est renforcée selon elle depuis la diffusion de la circulaire du 11 janvier 2010 signée par les ministères de l’Intérieur et de la Santé concernant les sorties d’essai des Hospitalisations d’office (HO, lire notre brève du 27/01/2010). Ce texte serait à l’origine de situations difficiles où sous couvert de protéger l’ordre public certains préfets refuseraient systématiquement toute sortie ou ne les faciliteraient pas. Par ailleurs, le projet de texte sur les hospitalisations sans consentement épinglé par le conseil d’État et représenté récemment au conseil des ministres sous la forme d’une lettre corrective ne change pas vraiment la donne et risque même d’être inapplicable, a déclaré Jean-Claude Pénochet, président du SPH (lire aussi notre brève du 26/01/2011). Il a également dénoncé la loi HPST qui raye selon lui la psychiatrie en tant que spécialité en la banalisant et en la traitant comme les autres disciplines médicales.

Lydie Watremetz