Faute de budget, le tribunal d’Evry a bloqué le paiement des psychiatres et des psychologues qu’il fait travailler. En grève à partir d’aujourd’hui, ils réclament leur dû.
Hélène Haus
«Nous sommes des esclaves de la République! » Les psychiatres et les psychologues de l’unité de consultation médico-judiciaire (UCMJ) de Courcouronnes ne cachent plus leur colère. A partir d’aujourd’hui, ils lancent un mouvement de grève illimité pour réclamer le paiement de l’argent que leur doit la justice. Hébergés par l’UCMJ, ils ne sont pas payés par l’hôpital comme les médecins légistes, mais par le tribunal de grande instance d’Evry.
« Nous travaillons sous ordre du procureur. Nous sommes payés avec l’argent alloué par le ministère de la Justice au tribunal », expliquent-ils. Depuis plusieurs années, ces experts sont rémunérés avec plusieurs mois de retard. Retard qui bat aujourd’hui des records. « On vient d’apprendre qu’on ne toucherait rien avant mars 2012. En plus, le tribunal nous a indiqué qu’on nous paierait les missions les plus anciennes. On ne sait pas trop ce que ça veut dire », dénoncent-ils. Au total, ils sont dix (cinq psychiatres et cinq psychologues) à travailler à l’UCMJ. Les psychiatres sont chargés d’évaluer l’état mental des prévenus, les psychologues le traumatisme des victimes. Tous ont une activité professionnelle en dehors de la justice, qu’ils ont de plus en plus de difficultés à pratiquer. « On est extrêmement demandés, dit un des professionnels. L’activité de l’UCMJ ne cesse d’augmenter. Et quand le procureur nous réquisitionne, on ne peut pas dire non. »
D’où le jeu du chat et de la souris qu’ils vont devoir mettre en place pour éviter de devoir travailler pendant cette grève. « Il faudra faire en sorte de ne pas être joignables car, si on répond, on est obligés de venir… » reconnaissent-ils. Payés 172,80 € par expertise pour les psychologues et environ 200 € pour les psychiatres, la justice leur doit, d’après eux, plusieurs milliers d’euros chacun.
Des retards de paiement qui ne sont pas des cas uniques d’après Marie-Suzanne Le Quéau, la procureur de la République au tribunal de grande instance d’Evry. « L’enveloppe globale que nous alloue la chancellerie ne nous permet pas de payer tous nos créanciers. Ils toucheront bien ce qu’on leur doit. Seulement, ils devront attendre février, lorsqu’on aura reçu le budget pour l’année 2012. »
Les psychologues et les psychiatres ne sont pas les seuls concernés. Il y a aussi les interprètes et les laboratoires d’analyses. « Un problème national », d’après la procureur. Contacté, le ministère de la Justice n’a pas donné suite.