Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Le récent rapport de la CARMF et le second rapport Berland constituent des documents à charge contre la politique de gestion des effectifs médicaux mise en oeuvre en France depuis plusieurs années. Le long tunnel qui s’amorce se traduira par des tensions énormes auxquelles l’hôpital public ne survivra pas sans une politique extrêmement volontaire d’attraction des médecins à l’hôpital. Pour l’instant, aucune des mesures prises récemment ne paraît malheureusement aller dans ce sens ! Irresponsabilité aggravée ou volonté délibérée ?


Depuis 2000, date du début de la prise en considération tellement tardive de ce problème majeur pourtant entièrement prévisible, la mise en place de l’Observatoire de la démographie médicale en 2002 ne s’est pas traduite par les mesures politiques fortes de redressement qui seraient nécessaires. La succession des rapports, des avis et des réflexions cache en réalité la pauvreté des mesures concrètes et l’absence de volonté réelle de sortie de crise. Quatre ans après son premier rapport, le Pr Berland préconise de mettre en place un système d’information adapté au pilotage de la démographie médicale hospitalière !

Pire, la démographie médicale devient un argument de restructuration des établissements.

On sait que nous sommes de toute façon déjà entrés dans une pénurie qui va s’aggraver inéluctablement en raison des délais de formation. Le relèvement du numerus clausus des années précédentes (de 3500 à 7000) n’aura aucun effet avant 2025. Et le relèvement de certaines filières, déjà en déficit aujourd’hui risque d’aboutir demain à des déséquilibres encore plus marqués en raison de l’abaissement global des effectifs.

C’est donc à une longue éclipse démographique à laquelle il faut s’attendre avec le retentissement en terme de qualité des prises en charge, à mettre entièrement au débit de nos décideurs politiques et des carences administratives.

Le passage dans ce tunnel où globalement le système devra fonctionner avec 20000 médecins de moins sera marqué par des tensions extrêmement fortes entre le système public et le système privé.

Dans un système concurrentiel en terme d’activité médicale auquel nous conduisent inéluctablement la T2A et la convergence, les tensions se répercuteront sur le « marché » de l’emploi des médecins, transformant ces derniers en « ressource rare ».

Si l’hôpital public veut survivre, cette variable humaine déterminante doit devenir sa première préoccupation en terme d’attractivité, (alors même par exemple que déjà l’ensemble « spécialité chirurgicale » ne rassemble que 17% des ETP du secteur public contre 36% chez les libéraux exclusifs et 31% chez les non exclusifs du secteur privé).

Or, c’est le contraire que l’on observe :

– les nouvelles mesures statutaires instaurent de nouvelles contraintes et une sujétion toujours plus grande,

– les surcharges administratives et les procédures bureaucratiques ne cessent d’augmenter et entament considérablement le temps soignant.

– l’extrême timidité, les iniquités et la mise sous tutelle locales des mesures de la PCV, pas même encore chiffrées, vont conduire à décourager les plus jeunes comme les plus expérimentés,

– l’augmentation encore récente du différentiel de rémunération de la permanence des soins est inacceptable,

– Il n’y a donc aucune chance que l’ouverture de la carrière publique aux praticiens libéraux ait quelques effets protecteurs pour le public, en raison du différentiel de niveau de revenu entre public et privé.

– la proposition d’un paiement à l’acte à 50 % pour les PH publics ne peut qu’aggraver la fuite des praticiens vers le privé ! Pourquoi faudrait-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Pourquoi accepter cette nouvelle contrainte qui dénature un système dans lequel ils ne se reconnaîtraient plus, sans avoir toute la liberté et les avantages offerts par le privé ?

– On continue à ne pas prévoir le rachat des jours RTT, alors même qu’il devient évident qu’il y a là une « bombe à retardement » que l’on peut pourtant facilement désamorcer.

– Le transfert des compétences ne joue qu’à la marge, et il est d’autant limité qu’il existe également une pénurie des personnels infirmiers et para médicaux.
– Rien n’est encore prévu pour attirer les médecins étrangers, mais il ne pourra être question cette fois de reproduire dans l’avenir les injustices et les iniquités que l’on connaît déjà.

S’il veut préserver sa survie, l’hôpital public ne pourra pas faire l’économie du développement d’une politique volontariste d’attractivité forte en terme de place du médecin dans le fonctionnement hospitalier et de relèvement substantiel des salaires.