Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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ACTUALITES DE LA PSYCHIATRIE EN MILIEU PENITENTIAIRE

Compte-rendu pour l’Assemblée Générale – Lundi 4 octobre 2010
Michel DAVID

Conseiller national SPH chargé du dossier de la psychiatrie en milieu pénitentiaire

Ce compte-rendu est dédié au Dr Jacques LAURANS, pionnier de la psychiatrie en milieu pénitentiaire, médecin chef créateur du SMPR de Fresnes, décédé le 5 février 2010 et qui m’a initié à la psychiatrie en milieu pénitentiaire, avec toute la compétence due à sa longue expérience, à sa culture immense et à son humour irrésistible.

1. Loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009

La santé ne connaît pas un développement majeur dans la loi pénitentiaire. La section 7 : « De la santé » comporte 12 articles (sur 100) : Articles 45 à 56.
On retiendra les 3 points suivants :

• L’importe discussion autour de l’article 20 bis qui est devenu 48 dans la loi : « Ne peuvent être demandés aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues, ni une expertise médicale ». La formulation a été proposée par un amendement socialiste, combattu par la majorité pour les raisons suivantes : « cet amendement pourrait amener des médecins à refuser de participer aux commissions pluridisciplinaires » (JR Lecerf).
• La volonté de voir apparaître un dossier médical électronique : « Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un dossier médical électronique unique est constitué pour chaque personne détenue » (article 54).
• Il faut mettre sur le compte de loi pénitentiaire (Justice) ce que la loi HPST (Santé) n’a pas su faire : la prise en compte de la médecine et de la psychiatrie ne milieu pénitentiaire :
o Les missions des ARS prévues à l’article L1431 sont complétées de la manière suivante : « i) Elles évaluent et identifient les besoins sanitaires des personnes en détention. Elles définissent et régulent l’offre de soins en milieu pénitentiaire » (article 55).
o Un 5ème objectif est fixé au SROS (article L1434-9) : « 5° Les objectifs et les moyens dédiés à l’offre de soins en milieu pénitentiaire. » (article 56).

2. UHSA

• L’ouverture de la première UHSA a eu lieu à Lyon en mai 2010
• L’arrêté du 20 juillet 2010 est relatif au ressort territorial des unités spécialement aménagées destinées à l’accueil des personnes incarcérées souffrant de troubles mentaux (1ère tranche : 9 UHSA)
• Le décret n°2010-507 fixe les modalités de garde, d’escorte et de transport des personnes détenues hospitalisées en raison de troubles mentaux, selon les deux modalités suivantes :
o Hospitalisation avec consentement : l’admission est prononcée par le directeur de l’établissement de santé de l’UHSA.
o Hospitalisation sans consentement : l’admission est prononcée par le préfet de département territorialement compétent (lieu de l’établissement pénitentiaire)
La garde et la surveillance des personnes relèvent de la responsabilité de l’administration pénitentiaire dans les locaux de l’UHSA. Des fouilles corporelles peuvent donc être décidées au sein même de l’UHSA. Un contrôle de l’Administration Pénitentiaire sur la tenue des registres d’entrants et sortants, des équipements peut être effectué par ses agents. Les personnes hospitalisées continuent d’exécuter leur peine et sont donc soumis au régime disciplinaire.
Concernant le transport, deux modalités différentes sont prévues :
o Hospitalisation sans consentement : l’établissement de soins doit assurer le transport, avec un accompagnement sanitaire, escorté par des agents de l’administration pénitentiaire
o Hospitalisation avec consentement : L’administration pénitentiaire assure le transport du détenu. Si nécessaire cliniquement, accompagnement soignant sur prescription médicale
o Pour le retour de l’établissement de soins à la prison : le transport doit être assuré par l’administration pénitentiaire avec accompagnement sanitaire par le personnel soignant sur prescription.
Si le détenu est considéré « à risques » (classement pénitentiaire : détenu particulièrement signalé – DPS), un accompagnement par la police ou la gendarmerie est prévu, sur initiative de l’administration pénitentiaire.

3. Décret n°2010-692 du 24 juin 2010 relatif à l’irresponsabilité pénale

Le texte lève le flou qui existait depuis la loi de rétention de sûreté. La séquence suivante est prévue :
– Ordonnance d’irresponsabilité prononcée par l’autorité de jugement
– Ordonnance d’HO transmise immédiatement au préfet qui procède à l’hospitalisation et détermine l’EPS d’accueil.
– L’avis médical est soit l’expertise soit un complément d’expertise pour actualisation. Il est donné par un expert ou tout autre médecin psychiatre délivrant un certificat médical décrivant l’état actuel de la personne.
– Si « l’irresponsable » est déjà en HO, elle est transformée en HO 122-1 avec les conséquences sur la levée de l’HO (deux expertises concordantes).

4. Révision du guide méthodologique des soins aux personnes détenues

Pilotage par le ministère de la santé en partenariat avec ministère de la justice
Ce guide inclura quatre cahiers, des annexes et une bibliographie, sous forme de fiches dans classeur, régulièrement actualisable
– Cahier I : Éthique, déontologie et droits
– Cahier II : Organisation des soins somatiques et psychiatriques
– Cahier III : Protection sociale et modalités financières de prise en charge
– Cahier IV : Prévention et prise en charge des personnes présentant des troubles ou
des risques surreprésentés en milieu pénitentiaire
– Annexes
– Bibliographie
Les travaux devraient être conclus pour fin 2010

5. Commission pluridisciplinaire unique (CPU)

Les CPU sont un enjeu de l’indépendance professionnelle de la psychiatrie en milieu pénitentiaire. Les CPU sont instituées par une circulaire DAP du 14 janvier 2009. Elles ont les objectifs suivants :
• Améliorer l’accueil des arrivants
• Mise en cohérence des interventions des différents partenaires –pénitentiaires, médicaux, enseignants etc.)
• Limiter le choc carcéral

Les CPU recourent à la méthode suivante :
• Élaborer une prise en charge pluridisciplinaire afin d’évaluer le profil du détenu et évaluer ses besoins sanitaires, psychologiques, sociaux, matériels
• Pratique un bilan individualisé, notamment relatif à la dangerosité (laquelle ou lesquelles ?) et à la vulnérabilité.
• Dans le respect de la dignité et des droits de la personne
• Une CPU dans chaque prison consacre le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation

Un décret en préparation pour le code de procédure pénale (D91) est rédigé ainsi :

• Le chef d’établissement, après avis de la commission pluridisciplinaire unique, décide du parcours d’exécution de la peine.
• Dans ce cas, la commission pluridisciplinaire unique est présidée par le chef d’établissement, ou son représentant. Le directeur des services pénitentiaires d’insertion et de probation, ou son représentant en font obligatoirement partie.
• Elle comprend, en fonction de l’ordre du jour préalablement communiqué, un membre du personnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation, des personnels pénitentiaires notamment des responsables des secteurs de détention, des acteurs de la formation, du travail, de l’enseignement, le psychologue chargé du parcours d’exécution de la peine, un représentant des équipes soignantes de l’unité de consultations et de soins ambulatoires et, le cas échéant, du service médico-psychologique régional, désigné par l’établissement de santé de rattachement.
• Le chef d’établissement peut faire appel, soit à titre permanent, soit pour une séance déterminée, à toute autre personne remplissant une mission dans l’établissement pénitentiaire, lorsque sa connaissance des cas individuels ou des situations examinées rend sa présence utile.
• Les membres de la commission ainsi que les personnes appelées à assister à ses réunions sont tenus au secret professionnel pour tout ce qui concerne ses travaux.

Le conseil de l’ordre des médecins considère comme une faute ordinale de parler d’un patient en CPU (congrès des UCSA 28 et 29 janvier 2010), d’où la partie (personnellement) rayée dans le projet de décret.
La participation aux CPU serait un facteur important de risque de perte de confiance des patients envers les services de soins en milieu pénitentiaire et de manipulation/instrumentalisation. Il convient de s’y opposer fermement et de rappeler qu’il existe des commissions d’organisation entre l’administration pénitentiaire et les services de soins qui permettent une concertation organisationnelle opérationnelle et fonctionnelle mais qui ne porte pas sur des questions nominatives (sauf pour la prévention du suicide) et pour lesquelles il existe un consensus.

6. Codétenus de soutien

Un protocole de codétenus de soutien est en cours d’expérimentation sur certains établissements. Sa lecture est symptomatique du « désarroi » dans lequel se trouvent les pouvoirs publics pour gérer les prisons, notamment en ce qui concerne la question du suicide. Ce protocole s’appuie sur le principe des « pairs aidants », particulièrement inadapté dans l’univers nécessairement « pervers » des prisons. Une lecture « psy » permet de décortiquer les incohérences de ce protocole.
Retenons simplement deux formulations.
Une, sous la forme d’une dénégation dès les premières lignes du protocole qui montre le désengagement de l’État : « Il ne s’agit pas de confier aux personnes détenues une nouvelle mission et une nouvelle responsabilité en les retirant aux personnels pénitentiaires et aux personnels sanitaires, acteurs principaux de la prévention du suicide : la personne détenue en tant que membre de la communauté carcérale, joue un rôle dans la prévention du suicide et notamment du passage à l’acte suicidaire, et elle doit être reconnue et formée en conséquence ».
La deuxième concerne les critères de recrutement des codétenus de soutien :
• volontaires motivés présentant une solidité psychique, une capacité d’écoute, d’altruisme, un respect de l’autre et le sens des responsabilités ;
• « installés durablement » dans l’établissement ou ayant une certaine expérience de la prison, sans avoir eu de problèmes de comportement ou fait l’objet récemment de sanctions disciplinaires ;
• condamnés avec un reliquat de peine à purger d’au minimum un an, ou prévenus, si non opposition du magistrat en charge du dossier ;
• qui n’est pas usager de substances psycho-actives.

Les rédacteurs du protocole ont-ils confondu prison et communauté monastique ?….. A noter aussi que les codétenus de soutien bénéficieront de « gratifications » aux conséquences probablement délétères dans le milieu carcéral.

7. Mission IGAS

Le ministre de la santé a saisi l’IGAS le 22 juillet 2010 pour évaluer le dispositif du SSJ +IS. La remise du rapport est prévue le 01/01/2010. L’IS est devenue une forme de soin ambulatoire sous contrainte.