La loi « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » a été adoptée le mercredi 22 juin après une troisième lecture à l’Assemblée Nationale.
Le gouvernement a décidé d’éviter son examen en commission mixte paritaire, normalement prévu, pour ne pas risquer d’aggraver le désastre. Mais cette dernière péripétie d’un parcours parlementaire calamiteux n’aura pas empêché que cette loi se trouve condamnée par ses incohérences avant même sa promulgation.
Contraint de se plier à la récente décision du Conseil Constitutionnel en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité sur les hospitalisations d’office, le gouvernement a dû introduire in extremis un amendement qui donnait la prééminence des avis médicaux sur ceux du représentant de l’État pour les décisions de sortie de l’hôpital.
Mais cet ultime ajout vient lézarder toute l’architecture de ce texte, destiné dès son annonce à renforcer le contrôle sécuritaire sur les décisions de sorties. Forcé de renoncer enfin à son exigence de donner toujours le dernier mot au préfet en adossant coûte que coûte les soins psychiatriques à la notion de troubles à l’ordre public, le gouvernement révèle au grand jour la nature profondément sécuritaire de son texte et l’artifice de l’équilibre tant vanté entre soins, sécurité et respect des libertés.. De l’aveu même du rapporteur, c’est l’ensemble du texte qui se trouve maintenant déstabilisé et prête le flanc aux prochaines attaques de recours en annulation des décisions.
A tel point qu’il n’apparait plus d’autre solution raisonnable que de revoir entièrement la copie. Mais les délais imposés par le Conseil Constitutionnel ne le permettent plus, ce sera donc pour plus tard … peut-être. Plutôt que de reconnaître ses erreurs, la majorité gouvernementale préfère encore rendre responsable la Haute Assemblée de cette Bérézina législative, en l’accusant – un comble – de fouler aux pieds les prérogatives des parlementaires, quand, à l’inverse, le texte ne respectait pas, dès l’origine, les principes constitutionnels.
Pourtant, de nombreuses voix s’étaient élevées pour le souligner. Pourtant, les professionnels avaient dénoncé l’esprit du projet dès 2010 alors que la dimension sanitaire de la loi et l’évolution des droits des patients devaient logiquement conduire la réforme vers l’unification des modes d’hospitalisation et la judiciarisation. Il suffisait d’ailleurs de lire la Constitution pour le comprendre, mais qui s’en préoccupait ? Mieux encore, on préférait par voie de circulaire encourager les préfets à se prononcer contre les avis médicaux.
Parce qu’on a voulu maintenir jusqu’à l’absurde la logique sécuritaire pour ce qui ne relève que du soin, c’est un texte approximatif, touffu et ambigu lorsqu’il n’est pas carrément contradictoire, que les établissements de santé devront tenter d’appliquer vaille que vaille dès ce 1er août. L’irresponsabilité n’étant pas toujours là où on le dit, les professionnels vont veiller à ne pas faire peser sur les patients les insuffisances des ministères et de leurs alliés parlementaires sur la manière de mener une réforme des soins qui concernent pourtant une part toujours croissante de la population. Et ce ne sont pas les quelques outils d’accompagnement pédagogique promis par la secrétaire d’Etat qui empêcheront les recours juridiques inévitables contre une loi bancale.
Comme si ça ne suffisait pas, le gouvernement s’enferre avec le même entêtement à vouloir réduire la réponse adaptée aux besoins à un simple plan, au lieu de la loi globale d’organisation de la psychiatrie dans la santé mentale que les professionnels, les associations et les parlementaires de l’opposition estiment tous nécessaire. A vouloir montrer leur fermeté, les tutelles, toujours promptes à rendre les professionnels responsables des dysfonctionnements, vont surtout faire une nouvelle fois la démonstration de la légèreté avec laquelle elles traitent les questions de qualité et d’efficacité des soins en matière de psychiatrie.