Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Les organisations professionnelles de psychiatrie, scientifique et syndicale, que sont la SIP et le SPH, ont pris connaissance du 3e plan autisme présenté en conseil des ministres le jeudi 2 mai 2013 par Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, et Mme Marie Arlette Carlotti, Ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
En s’associant au constat réitéré des familles sur le manque cruel de structures d’accueil et d’accompagnement pour ces patients, à l’adolescence et à l’âge adulte, la SIP et le SPH prennent note que des mesures d’accompagnement de ces patients, autant enfants qu’adultes, sont annoncées. Mais les propos associés à la présentation du plan et certains aspects de son contenu, sont consternants.
Alors qu’il était légitime d’attendre que les ministères de tutelle jouent l’apaisement dans un domaine où les polémiques font rage depuis des années, il était d’autant plus attendu que ce 3e plan autisme ne soit pas l’occasion pour des ministères qui devraient être correctement informés, de diffuser des données erronées.

Ces attentes sont loin d’être satisfaites.

La SIP et le SPH s’étonnent :
1- de la méconnaissance, jusqu’au désaveu, du travail effectué dans les structures de pédopsychiatrie publique hospitalière,
2- que les ministres se permettent une prise de position en matière de choix scientifiques
3- que des options soient prises au profit de structures privées contre le service public, sanitaire et médico-social

Mme Carlotti semble ignorer que les « services de soins » pratiquent depuis des années une approche variée, dite intégrative, où les aspects pédagogiques et éducatifs s’associent aux interventions plus directement thérapeutiques. Ces services qui ont la connaissance des diverses approches théoriques (développementale, psychanalytique, neuroscientifique, génétique, cognitive, comportementale) en étudient les multiples perspectives et sont bien conscients que face à la complexité de l’autisme, la complémentarité des approches est indispensable.

L’analyse quantifiée de l’activité de pédopsychiatrie montre que la pathologie des Troubles Envahissants du Développement (TED), catégorie diagnostique plus large que l’autisme et concernée par le plan, représente près de 20% des files actives globales, que le dépistage et le diagnostic sont faits dans les services dans près de 30% des cas avant ou à l’âge de 3 ans, et que 2/3 des enfants présentant des TED sont suivis dans les différentes structures des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, le plus souvent à temps partiel et conjointement à une scolarisation ou à un accueil dans les institutions médico-sociales.

 Comment est-il alors possible d’établir l’axe 1 du diagnostic et des interventions précoces sans même citer les CMP et les unités d’hospitalisation des services de pédopsychiatrie ?

 Comment oser affirmer, comme le fait Mme Carlotti que « En France, depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens » ? Est-ce par méconnaissance ou sous la pression d’associations qui sont loin de représenter l’ensemble des associations de familles ?

La diversité et la complexité du spectre autistique justifient différentes approches thérapeutiques et il se trouve que le tout-éducatif commence à être fortement critiqué aux USA, notamment par les autistes eux-mêmes parce qu’il peut mener à des impasses. En choisissant de s’appuyer sur les recommandations HAS de 2012, sans prendre en compte d’autres références et recherches en cours, les services du Ministère favorisent, déjà dans le plan, le plus élémentaire des biais méthodologique. Mais Madame Carlotti va plus loin en osant affirmer «l’efficacité à moindres couts d’une méthode-scientifique reconnue dans le monde entier sauf en France » avec une méthode comportementale présentée comme la seule efficace.

Déjà consternés de constater l’ignorance des ministères de la réalité des secteurs dont ils ont la responsabilité, la S.I.P et le SPH leur dénient l’aptitude à récuser des références théoriques de nature scientifique, jusqu’à interdire les modes de pratiques de soins qui en découlent ou arbitrer l’orientation des formations.

Assortie de tels propos : «Que les choses soient claires, n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler », l’annonce du plan s’accompagne donc de menaces pour l’organisation des soins : le service public, dans ses domaines sanitaire et médico-social, se retrouve en position d’accusé, laissant le champ libre à un système privé qui mettra en péril la pluralité et la coordination nécessaire des interventions et qui ne sera pas sans conséquences pour les plus démunis des patients.

Oublieux de ce qui a présidé à la construction de la pédopsychiatrie tel que la décrivait la circulaire DGS/DH n°70 du 11 décembre 1992 : «Les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile ont vocation à prendre en charge ces enfants et adolescents (souffrant d’autisme) : il s’agit de permettre un diagnostic le plus précoce possible tel qu’il s’est développé ces dernières années, notamment du fait de la collaboration avec les pédiatres, de mettre en œuvre précocement des thérapeutiques appropriées, ainsi que les mesures d’accompagnement nécessaire sur le plan éducatif et pédagogique, et de préparer à l’adolescence le suivi vers des structures diversifiées. A toutes ces étapes une attention particulière devra être portée à la participation des familles », un tel plan interroge sur ce qui sous-tend ce choix politique en matière de santé publique.