Annoncé pour ce 29 mai, c’est au minimum l’amélioration de deux articles de la loi sur les soins sans consentement que le rapport d’étape de la « Mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie » devrait proposer pour répondre à la décision du Conseil Constitutionnel avant la date butoir du 1er octobre 2013.
Le rapporteur de cette mission, le député Robiliard, n’a cependant pas caché que ses ambitions dépassaient ce simple correctif et qu’il souhaitait étendre la réflexion aux questions plus générales de l’accès et de l’offre de soins, de la démographie médicale en psychiatrie et des droits sociaux des patients. Du coup, avec un titre qui va jusqu’à évoquer l’avenir de la psychiatrie, c’est toute l’organisation de la psychiatrie et de la santé mentale qui devrait être interrogée par la mission, venant ainsi faire écho aux annonces de la récente campagne présidentielle : une future grande loi de santé mentale était alors promise, destinée à corriger l’absence d’ambition du dernier plan psychiatrie et santé mentale, à répondre à l’hostilité des professionnels manifestée contre les dispositions de la loi du 5 juillet 2011 et aux insatisfactions maintes fois exprimées de la discipline.
Au regard du travail mené par la mission parlementaire et face à l’ampleur des problèmes soulevés par les auditions, nombreuses et diversifiées, des acteurs de la santé mentale, la psychiatrie est en droit d’espérer que sa situation évolue enfin, après la multitude des rapports d’évaluation antérieurs restés lettres mortes. Mais pour les mêmes raisons et face à la modestie – pour ne pas dire l’extrême pauvreté – des annonces ministérielles sur le sujet, la psychiatrie peut craindre de voir une nouvelle fois la montagne accoucher d’une souris.
La destruction de l’outil de soins sectoriel se poursuit inéluctablement, la loi HPST ayant démantelé son support juridique comme le soulignait fin 2011 la Cour des Comptes. La pauvreté des dotations financières de psychiatrie instaurant ici et là des budgets en régression, quand elles ne sont pas carrément détournées sur d’autres activités, continuent à dégrader une situation calamiteuse. Toute nouvelle disposition d’administration sanitaire persiste à ignorer les spécificités de la psychiatrie autre que celle de la contrainte aux soins, et les ministères de tutelle reconduisent des réflexions partielles plutôt que d’envisager une organisation globalisée et coordonnée entre ses différents champs d’intervention (psychiatrie générale, détenus, psychiatrie infanto-juvénile, Etc…). Ce ne sont pas quelques mesures glissées dans la future loi de santé publique annoncée par le Premier Ministre lui-même pour 2014, qui répondront à l’importance du chantier.
Quant à la loi du 5 juillet 2011, dont la construction décousue a suivi les rebondissements des questions prioritaires de constitutionnalité engagées par les usagers et que n’avaient pas su anticiper les ministères de l’époque, c’est sa structure même, obsolète, qui doit être refondée vers une modalité unique de soins sans consentement. L’inflation administrative qu’elle a instauré jusqu’à l’absurde a été rappelée par les différents corps professionnels auditionnés par la mission. Mal articulé, il est avéré que le recours systématique au juge des libertés et de la détention n’apporte pas les garanties suffisantes à l’évolution des droits et la sécurité des soins.
Alors qu’on leur reproche ordinairement leurs dissensions, il est remarquable que les organisations professionnelles de psychiatrie auditionnées par la mission aient unanimement, et en convergence avec les syndicats de magistrats, exprimé la nécessité d’une refondation de la loi : la fin de la référence aux troubles à l’ordre public et l’unification des deux modes de soins sans consentement ont été demandés comme les préalables à une loi véritablement sanitaire. L’extension des prérogatives du juge pour une intervention plus précoce la mettrait de plus en conformité avec le droit moderne européen et le véritable progrès attendu pour la psychiatrie.
Il serait temps d’abandonner les affirmations de ceux qui cherchent à surtout ne rien changer en se contentant de renvoyer aux professionnels de la discipline la responsabilité de cette situation. Car moins que d’une interminable crise d’identité dont elle serait à la fois responsable et victime par ses disparités d’orientations théoriques, c’est d’un défaut persistant de pilotage d’une véritable politique de santé mentale dont souffre la psychiatrie.
La mission Robiliard, après avoir su mener de manière large les auditions, saura-t-elle faire mieux que de venir grossir le nombre des rapports sur la santé mentale restés sans effet ? Ses conclusions et les décisions qui en découleront sont donc très attendues.