Les syndicats de psychiatrie publique réprouvent fortement l’avis des rapporteurs de la mission sur les GHT et demandent la généralisation des GHT spécialisés en psychiatrie : tout établissement gérant des secteurs de psychiatrie qu’ils soient en établissements psychiatriques ou en hôpital général, doit pouvoir participer à plusieurs GHT dont un au moins de psychiatrie, avec un projet médical unique en psychiatrie porté par une CME commune.
Avant la remise officielle de son rapport, le représentant de la mission a souligné lors des salons santé autonomie que la santé mentale est un enjeu de santé publique : s’il en est convaincu, il doit alors convenir que l’organisation de la psychiatrie mérite une analyse particulière et ne pas réduire comme il l’a fait à cette occasion ses spécificités à une simple originalité de discipline.
Ceci revient à ignorer que la pratique psychiatrique s’appuie fondamentalement sur des dispositifs et une planification particulière: c’est à partir des hôpitaux psychiatriques et des services de psychiatrie en hôpital général, toujours sous financement des DAF, il faut le rappeler, différente de la T2A , que s’est développé le maillage particulier de la sectorisation qui permet à la psychiatrie d’exercer ses multiples missions et de s’adapter à la diversité des situations traitées.
Parmi ces spécificités qui engagent l’organisation hospitalière de la psychiatrie, il faut rappeler que :
– la psychiatrie hospitalière exerce 80 % de ses suivis en ambulatoire et c’est par l’ouverture des hôpitaux et des déploiements de ses moyens vers l’extérieur que s’est développée la psychiatrie de liaison au-delà des services de médecine, chirurgie et obstétrique puisqu’elle est aussi présente dans nombre d’établissements médico-sociaux
– le secteur a permis d’imaginer et de créer des dispositifs de soins aussi divers que les hôpitaux de jour, les CATTP, les appartements thérapeutiques, les centres de crises, les conseils locaux de santé mentale, etc., tout en faisant le lien avec les nécessités d’hospitalisations, dont celles au long cours, et les coopérations intersectorielles sur des missions spécialisées
– l’attention particulière due aux soins sans consentement, spécificité formellement psychiatrique, mais aussi la psychiatrie en milieu pénitentiaire, ont toujours impliqué des adaptations de l’organisation des soins.
La psychiatrie hospitalière a ainsi fait ses preuves avec la fondation du secteur, il y a plus de 50 ans, de sa capacité à se coordonner avec d’autres domaines qu’elle-même, et si la psychiatrie est partout, c’est au-delà comme le croit la mission, des seuls services d’urgences.
Si l’organisation de la psychiatrie est donc bien hospitalière il serait inconsidéré de la réduire pour cela au modèle MCO, et de ne pas lui reconnaître une expertise particulière en matière d’organisation territoriale : c’est la coordination sectorisée de ses dispositifs et des coopérations intersectorielles qui permet l’accès et la continuité des soins, du 1er recours généraliste au missions spécialisées. Si des GHT sont obligatoires pour tous les hôpitaux, ces groupements doivent se faire selon une logique de renforcement de l’organisation territoriale de la psychiatrie et non pas fragiliser par dilution dans de grands ensembles MCO sous impératifs de tarification à l’activité, les outils de continuité des soins et les modes de collaborations avec les autres acteurs de la santé mentale qui vont au-delà du domaine MCO.
Seules des GHT spécialisés de psychiatrie pourront intégrer une véritable réflexion sur les territoires de santé mentale propre à établir le « diagnostic territorial robuste » que le rapport cite comme condition de réussite.
L’opposition à la généralisation des GHT psychiatriques pour réduire la place de la psychiatrie à la simple nécessité de l’articuler avec la MCO, serait preuve pour le moins d’un mépris pour les spécificités et la complexité de la psychiatrie, voire l’aveu que les GHT ne visent qu’à restaurer l’hospitalo-centrisme à grande dimension. En totale contradiction avec ce que préconise le projet de loi de santé en objectifs de coopérations, et que la psychiatrie a déjà développées, le refus des GHT spécialisés en psychiatrie constitue une régression digne du renfermement de la psychiatrie dans les murs.
Le maintien de cette position ne pourrait que contraindre nos syndicats à retirer leur appui aux orientations de la loi Touraine.
C’est parce qu’ils dessineront la cohérence des territoires de santé mentale que les GHT spécialisés en psychiatrie doivent être généralisés et faire entièrement partie des conditions de réussite des GHT, et mieux que cela, d’une politique de santé mentale responsable.
Dr M. Bétremieux Dr. N. Skurnik Dr M. Triantafyllou
SPH IDEPP SPEP