Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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COMMUNIQUÉ 11 AVRIL 2017

RAPPORT VÉRAN : HORS SUJET POUR LA PSYCHIATRIE

A l’heure où les établissements souffrent d’une réduction des Dotations Annuelles de Fonctionnement et où les choix budgétaires pèsent lourdement sur les offres de soins, le monde de la psychiatrie aurait pu se satisfaire qu’une attention nouvelle soit portée sur son mode de financement. Mais le rapport Véran, chargé de faire des propositions pour les modes de financement pour les établissements de santé après les critiques faites sur la T2A, est complètement passé à côté de son sujet pour la psychiatrie.

Si de façon minimaliste le rapport conclut pour la santé mentale à l’intérêt de prévoir une modulation des DAF selon des critères géopopulationnels non précisés et sur les soins réalisés, il fait surtout une promotion du rapport Laforcade qui ne sert pas le sujet qu’il aurait dû traiter. De plus, il donne de manière stérile une image déplorable des organisations chargées de s’occuper de santé mentale en mêlant dans un fourre-tout mal renseigné les organisations sanitaires, les structures médico-sociales et des dispositifs qualifiés pour des raisons non démontrées d’ « innovants ».

A en croire les quelques 10 pages du rapport qui traitent de la santé mentale, et donc en son sein de la discipline pratiquée par les confrères psychiatres du Dr Véran, les professionnels seraient encore une fois responsables de leur difficultés puisque incompétents en matière d’évaluation, responsables de dissensions sur les bonnes pratiques et mauvais pour collaborer « entre eux », tandis qu’une main invisible semble empêcher la diffusion des expériences innovantes.

Plutôt que de circonscrire son sujet, qui aurait dû être le mode de financement des soins en psychiatrie et le financement des structures dédiées au handicap psychique, le rapport est un assemblage d’approximations et de suggestions inquiétantes : en effet, préconiser ainsi le décloisonnement du financement hospitalier (dont on suppose qu’il doit être psychiatrique dans l’esprit des rédacteurs) vers le médico-social, semble inspiré par une curieuse conception des soins psychiatriques où les attentes toujours plus complexes vis-à-vis de la psychiatrie dans une société tourmentée seraient réduites à de la simple gestion de handicap mental. Et en intensifiant les principes de fongibilité asymétrique initiée par la loi HPST élaborée par un précédent gouvernement, ce rapport pousse au rationnement de la psychiatrie publique.

Il est inquiétant d’y voir proposé un « transfert des malades en psychiatrie vers les MAS », preuve de l’ignorance des problématiques en psychiatrie et que les durées moyennes de séjour en psychiatrie, que le rapport confond avec les files actives, sont multifactorielles : parmi les facteurs d’influence, l’augmentation globale des mesures de soins sans consentement, variable cependant entre les régions, est bien notifiée dans le récent rapport d’information des députés Robiliard et Jacquat. Il serait utile d’enseigner aux chargés de mission ministérielle que ce sont les critères d’autonomie qui différencient les orientations en MAS ou en FAM et il est surprenant d’y mêler leurs modes différents de financement. Quant au transfert de tâches dont on ne voit guère le lien avec les problèmes de financement, les équipes de secteur habituées au mode de travail pluriprofessionnel, n’auront pour la majorité pas attendu un rapport, Véran ou Laforcade, pour le faire.

Le terme de « spécificités » a beau apparaître plusieurs fois pour caractériser la santé mentale dans ces quelques pages, celle que le rapport semble avoir retenue est surtout celle d’une trop grande complexité pour se pencher correctement sur les modèles de financement. Les travaux portant sur la VAP interrompus il y a plusieurs années n’y sont même pas rappelés.

Les enjeux pour les DAF en psychiatrie méritent pourtant d’être nommés :
* Le rapport se contente d’observer que les financements entre régions sont inégaux mais les ARS procèdent à des répartitions entre établissements sur des critères inconnus et, en amont, des péréquations inter régionales s’effectuent de manière insaisissable et variable d’une année à l’autre.
* Les évolutions de l’ONDAM pour la psychiatrie s’aggravent au cours de ces dernières années : c’est la catastrophe annoncée et l’impossibilité d’assurer l’égalité des soins généraux réclamée par tous les rapports. Des missions plus spécifiques, sur des dispositifs innovants ou non, ont donc encore moins de chances d’être réalisés correctement.
* Les conditions de déséquilibre entre ONDAM (MCO, psychiatrie sous DAF, psychiatrie sur objectifs quantifiés) sont donc installées : l’application de la fongibilité asymétrique et les réserves prudentielles ne font que répartir la pénurie que les établissements ne pourront pas assimiler indéfiniment.
Quant à la suggestion du rapport de moduler les DAF, les pistes de réflexion auraient pu résider dans :

– la différenciation entre poids de l’hospitalisation à temps plein et soins ambulatoires dans leurs différentes formes et indications médicales, notamment dans une meilleure discrimination entre les compartiments de psychiatrie générale et de psychiatrie infanto-juvénile

– l’intégration dans les DAF des taux de recours aux dispositifs spécialisés inter-régionaux tels que UMD, UHSA, centres ressources ou experts pour en faire évoluer le financement.

Les critères géopopulationnels peuvent d’ores et déjà dessiner un modèle intégrant la taille de la population, ses caractéristiques socio-démographiques tels que les indices de précarisation, la taille du territoire, la part du secteur libéral dans l’offre de soins.

Par contre, l’idée de moduler la DAF selon l’activité se heurte au fait qu’aucun modèle pertinent n’a été validé et qu’un financement à l’activité contient les risques de course à l’activité, déjà signalés pour la T2A dans le secteur MCO, et contraires à la diversité des besoins de santé publique en psychiatrie. Il faut également avoir à l’esprit que la tarification à l’activité favorise les établissements déjà suffisamment bien dotés en moyens pour faire de l’activité, et ignore les critères d’efficience toujours indéterminés pour la psychiatrie.

SI le rapport Véran a préféré se référer au rapport Laforcade pour finalement ne pas traiter la question des financements en psychiatrie, il ne reste plus qu’à souhaiter que le prochain gouvernement et, pas seulement les nouvelles instances nationales que sont le CNSM et le comité de pilotage de psychiatrie, se saisisse sérieusement du sujet.