Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Devant les projets de modifications de la réglementation européenne concernant la définition du temps de travail en garde, qui visaient à en exclure les périodes considérées comme “inactives”, la CHG avait demandé au Ministre de s’engager clairement sur le maintien du dispositif français (Cf lettre plus bas). Aucune réponse ne nous était parvenue.

Il aura donc fallu la longue grève des urgentistes et l’action de l’AMUHF (et sans aucun doute l’approche du référendum sur la constitution européenne) pour obtenir l’engagement du Ministre par une déclaration “solennelle” assurant que la révision de la directive européenne sur le temps de travail, qui doit être examinée en première lecture par le Parlement de Strasbourg le mois prochain, n’allait pas “remettre en cause les dispositions” en vigueur en France.

“Je souhaite solennellement réaffirmer que les dispositions en vigueur en France depuis le 1er janvier 2003 sur le décompte du temps de travail des médecins hospitaliers ne seront pas remises en cause par la révision de la directive”. “La totalité du temps de garde hospitalière restera considérée comme du temps de travail effectif et le délai maximum pour la prise de repos quotidien demeurera fixé à 24H00”, assure M. Douste-Blazy dans une lettre adressée aux organisations syndicales.

Ravis de cette déclaration maintenant un dispositif national plus favorable, on pardonnera au Ministre cette dernière formulation ambiguë au moment où il est justement question d’introduire un délai pour la prise du repos de sécurité. Il s’agit dans le statut actuel non d’un délai mais d’un temps de travail maximum, déjà dérogatoire à la règle générale :[le praticien hospitalier] bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives par période de vingt-quatre heures. Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, il peut accomplir une durée de travail continue maximale de vingt-quatre heures. Dans ce cas, il bénéficie, immédiatement à l’issue de cette période, d’un repos d’une durée équivalente.”

Rappelons que la FHF, n’hésitant pas à se comporter comme un employeur défendant ses intérêts contre ceux de ses “salariés”, s’était de son côté engagée fermement et avait oeuvré, au travers de l’association européenne HOPE qu’elle présidait, en faveur de cette modification.

La FHF avait demandé que la réforme du temps de travail des médecins hospitaliers soit reconsidérée et, en particulier, que la directive européenne limitant ce temps de travail soit réexaminée, selon une lettre adressée par son président à Jean-Pierre Raffarin : “Je souhaite que le gouvernement français n’hésite pas à saisir les instances européennes afin de demander un réexamen de la directive 93/104 au regard des conséquences potentielles -voire déjà réelles- sur le secteur hospitalier”, écrivait Gérard Larcher dans une lettre au Premier ministre. “Une mobilisation des quinze ministres de la santé européens sur ce dossier me semble indispensable”, insistait-t-il en suggérant que la France en prenne “l’initiative”.

Interrogé en avril 2004 dans le cadre de la consultation lancée par la Commission européenne sur le temps de travail, la Fédération européenne des hôpitaux (Hope – Comité permanent des hôpitaux de l’Union européenne, que présidait le délégué général de la Fédération hospitalière de France – FHF -, Gérard Vincent) plaidait pour que soit trouvée « une interprétation plus souple » de la directive européenne qui régit désormais le temps de travail de nombreux hospitaliers à travers l’Europe. Pour « préserver l’organisation des services hospitaliers et la qualité des soins », Hope suggèrait en particulier de ne plus inclure le temps de sommeil dans le temps de travail, de permettre aux professionnels volontaires de travailler davantage que 48 heures hebdomadaires et d’étendre à douze mois la période de référence pour le calcul du temps de travail réalisé.

Une longue grève, et un référendum : comme quoi un bonheur n’arrive jamais seul ! Mais on sait qu’il risque d’être de courte durée. Reste en effet à savoir ce que vaut une déclaration “solennelle” d’un Ministre. La CHG entend bien rester extrêmement vigilante sur tout ce qui touche à la définition de notre temps de travail et le maintien des modalités acquises lors du protocole de 2001.

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“Périodes inactives” pendant la permanence des soins : réponse au Ministre
vendredi 29 octobre 2004

Monsieur le Ministre,

Je réponds à votre lettre du 1er octobre au sujet de la proposition de modification de la directive 2003/88 CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui pourrait conduire à soustraire du temps de travail les périodes inactives pendant la permanence des soins et constituer ainsi un recul par rapport à la réglementation actuelle.

Vous précisez avec juste raison que la réglementation européenne constitue seulement la base minimale de droit applicable dans chaque Etat, lequel peut toujours adopter des dispositions plus favorables. C’est le cas pour la France qui s’honore à maintenir par son code du travail des dispositions plus élevées que les limites européennes pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

Concernant le temps de travail des Praticiens Hospitaliers, le dispositif européen a toutefois été intégré dans leur statut sans amendement, avec une borne maximale à 48 heures et l’application d’une dérogation permettant de travailler 24 heures en continu. Un effort supplémentaire a en outre été demandé aux PH, qui s’est concrétisé dans le protocole d’octobre 2001 par lequel les représentations syndicales ont donné leur accord pour le temps de travail additionnel, là aussi dérogatoire, correspondant à l’application particulière en France du dispositif européen dit d’opt-out aux médecins hospitaliers. Enfin, le flou des textes conjugué à l’insuffisance des budgets attribués a conduit de très nombreux établissements à ne pas rémunérer comme il était dû le temps de travail additionnel réalisé par les PH, ce dont votre récent rappel témoigne.

Malgré vos déclarations à la presse faisant par erreur mention d’une durée de travail de 35 heures, on ne peut donc douter de l’attachement des Praticiens Hospitaliers au bon fonctionnement des hôpitaux, de leur implication dans le service public et de la charge de travail considérable qu’ils doivent fournir. Dans ce contexte, l’intervention de la Fédération Hospitalière de France qui a pris une part active dans ce projet de modification de la législation européenne nous paraît particulièrement choquante.

Aujourd’hui, toute atteinte statutaire concernant le temps de travail serait immédiatement vécue par la profession comme un casus belli. Sans attendre l’aboutissement du processus européen et quelles qu’en soient les conclusions futures, nous vous demandons de bien vouloir vous engager sur ce dossier en confirmant, comme vous en avez la possibilité dès maintenant, votre volonté de maintenir le dispositif actuel.

En l’absence de réponse précise nous serions bien sûr amenés à en tirer toutes les conséquences.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma très haute considération.