Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Le 30 Novembre 2004, j’ai demandé au professeur Yvon Berland de mettre en place une commission afin “d’analyser les dispositifs incitatifs susceptibles d’améliorer la situation des inégalités territoriales dans la répartition des professionnels de santé, tout particulièrement les médecins”.

Paradoxalement, alors que le ressenti de la population est une difficulté d’accès aux soins, le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé en France. On compte 203.487 médecins, dont 99.647 médecins généralistes et 103.840 médecins spécialistes. Le taux de croissance a été de 1,2 % par an au cours des 4 dernières années. Le problème n’est donc pas le nombre de médecins, mais leur répartition. En effet l’offre de soins médicaux est d’une grande hétérogénéité sur le territoire national.

L’offre de soins, vu sous l’angle de la densité montre de réelles disparités régionales. La densité en France est de 340 médecins pour 100.000 habitants. La moins pourvue est la Picardie avec 256 médecins, la mieux pourvue est l’Ile-de-France avec 426 médecins.

Par ailleurs, il existe une différence entre les régions du nord et celle du sud, le nord étant moins bien pourvu que le sud. Cependant, la densité française des médecins a progressé et les disparités régionales sont aujourd’hui moins importantes qu’il y a 20 ans.

Enfin, il est difficile d’apprécier l’accessibilité aux soins. En effet, la densité médicale ne rend pas compte de la difficulté d’accès aux soins en raison de la typologie de certaines régions comme celle des régions montagneuses, par exemple. Le terme de désertification médicale ne concerne qu’une petite partie du territoire. Et une enquête complémentaire de la CNAM, utilisant une méthodologie différente de la densité, estime la population concernée en difficulté, entre 0,6% et 4,1% suivant la méthode utilisée.

Les difficultés d’accès aux soins ne concerne donc qu’une petite partie de la population mais elle n’en demeure pas moins inacceptable pour celle-ci.

L’évolution de la démographie médicale reste cependant inquiétante en raison de la diminution très importante du numerus clausus dans les années 92-93.

En effet, 3 chiffres sont à retenir, le chiffre de 1976-77 avec un numerus clausus à 8.671 tombant à 3.500 en 1992-93 pour remonter à 6.200 en 2004-05.

La densité médicale est de 275 pour 100.000 habitants en 1985, culmine à 340 médecins pour 100.000 habitants en 2005 et devrait malgré un numerus clausus que j’ai voulu fixé à hauteur de 7.000 en 2006, tomber à 285 en 2025.

Enfin, la diminution du temps de travail est un phénomène social lourd qui impacte aujourd’hui le temps effectif de travail des médecins libéraux.

Parallèlement plusieurs facteurs font envisager une augmentation des besoins médicaux, le vieillissement de la population, la diminution des durées de séjour d’hospitalisation, la médicalisation de certaines prises en charge, les exigences de la population en matière de sécurité, les progrès médicaux et les potentialités techniques.

Par ailleurs, les modalités d’exercice ont considérablement évolué, et globalement les souhaits des plus jeunes médecins, sont bien entendu à prendre en compte. Les plus jeunes souhaitent prolonger l’activité en milieu hospitalier. Les choix de vie professionnelle sont aujourd’hui dictés par des orientations personnelles et familiales. Il existe un rejet en bloc de l’activité en zone périurbaine et rurale.

Les mesures doivent permettre de se doter d’outils de pilotage de la démographie et inciter à l’exercice dans les zones déficitaires.

J’ai voulu que cette commission permette une large concertation entre tous les acteurs et professionnels de santé ainsi j’ai demandé au Pr Berland de réunir au sein de la commission « Démographie médicale » l’UNCAM, la Conférence des Doyens, l’ONDPS, la DREES, la DGS, la DSS, la DHOS, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, un Préfet, la conférence des directeurs ARH, le syndicat des chefs de cliniques, le syndicat des internes, le syndicat des résidents en médecine générale, CSMF, MG France, la SML, la Fédération des Médecins de France, l’ANEMF et la SNJMG.

Parmi les multiples propositions contenues dans le rapport et qui méritent toutes notre attention, je souhaite retenir d’ores et déjà trois propositions majeures. Et nous vous ferons, Xavier Bertrand et moi-même, une proposition de méthode et de calendrier.

En ce qui concerne les 3 propositions majeures sur lesquels nous souhaitons vous répondre immédiatement :

1-La première concerne la poursuite de l’augmentation progressive du numerus clausus, en concertation avec l’éducation nationale.
En effet les simulations de l’observatoire de la démographie médicale prévoient une diminution importante de la démographie de certaines disciplines, en raison de l’importance des départs à la retraite.
Dès ma prise de fonction en mars 2004, j’ai souhaité augmenter le numerus clausus. Il est passé à 6200 en 2005 et je souhaite que le chiffre de 7000 soit atteint en 2006.

2-La deuxième concerne la proposition d’inter-régionalisation des épreuves nationales classantes, permettant de fidéliser les étudiants dans leur région de formation.
Aujourd’hui les étudiants en médecine en fin de deuxième cycle, en 6° année de médecine donc, passent un examen national qui permet de classer les étudiants en fonction de leur note d’examen. Le choix des étudiants, qui leur permet de choisir leur région et leur spécialité d’affectation se fait en fonction de leur rang de classement. Ce système ne permet pas de fidéliser les étudiants dans leur région de formation.
La proposition d’interégionaliser le concours tout en préservant sa valeur nationale permettra cette fidélisation dans les régions. C’est une mesure majeure permettant une meilleure répartition régionale. Je souhaite que dès la rentrée 2005, l’Observatoire national des professions de santé, en relation avec les services de mon ministère, ceux du ministère de l’éducation nationale et la conférence des doyens me fasse des propositions pour la mise en place de ce concours interrégional dés l’été 2006. Le rapport souligne que près de 80% des étudiants formés dans une région s’y installent.

3-La mise en place d’une campagne d’information sur les mesures financières facilitant l’installation dans les régions sous médicalisées.
Il existe d’ores et déjà un certain nombre de mesures incitatives favorisant l’installation et le maintien des médecins en zone déficitaire, qu’il s’agisse de dispositions conventionnelles ou d’aide de nature fiscale. Les textes qui ont été récemment adoptés, la loi portant réforme de l’assurance maladie ou la loi sur le développement des territoires ruraux, sont venus compléter ces dispositifs. Mais le paradoxe souligné par la mission est que ces mesures sont très mal connues des professionnels et plus encore des étudiants. Il apparaît donc indispensable que ces mesures incitatives soient portées à la connaissance des plus jeunes médecins et des étudiants en médecine dès l’inscription en faculté. Ils pourront alors tenir compte des mesures d’aide à l’installation dans les régions sous-médicalisées par une information complète, accessible et actualisée. Je vais demander à l’assurance maladie, dans le cadre de sa démarche de services, d’être le maître d’œuvre de cette politique de communication envers les professionnels de santé.

Au-delà de ces trois mesures, je suis persuadé, comme la mission, qu’une part importante de la réponse au défi démographique qui nous attend tient à l’évolution des conditions d’exercice que nous saurons organiser et favoriser. Il n’y a pas de ce point de vue une seule mesure mais une série de propositions, dont certaines sont sur le point d’être mises en œuvre, comme l’assouplissement des conditions d’exercice en cabinet secondaire – le décret est paru ce matin- . Cette mesure permet à un médecin d’ouvrir un second cabinet en zone déficitaire où il peut recevoir un ou deux jours par semaine en consultation. D’autres doivent être encore concertées, tel que le fait de favoriser l’exercice à temps partiel des généralistes dans les hôpitaux non universitaires ou la création de maisons médicales permettant un exercice regroupé des professionnels de santé. Avec Xavier Bertrand, nous proposons fidèle à notre méthode de concertation de soumettre dès juin les mesures techniques correspondant à ces propositions à la concertation, notamment des professionnels et des élus, dans le cadre d’un plan d’ensemble touchant à la démographie des professions de santé ; notre calendrier est les rendre applicable avant la fin de l’année 2005, soit par voie réglementaire, soit dans le cadre du PLFSS pour 2006 si cela était nécessaire.

Conclusion

Je souhaite pouvoir mettre en œuvre très rapidement l’ensemble de ces mesures incitatives. Ces mesures sont en effet une étape que nous nous devons de réussir. Je sais d’ailleurs pouvoir compter sur des médecins, des jeunes médecins et des étudiants en médecine responsables et désireux de trouver des solutions pour éviter que des patients aient des difficultés d’accès aux soins, comme leurs représentants l’ont montré en participant activement aux travaux de cette commission. Et je tiens à remercier ici publiquement ces étudiants, jeunes médecins et médecins comme je remercie le Professeur Yvon Berland, les membres de sa commission et l’Observatoire national de la démographie des professions de santé de la qualité du travail fourni.