Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Le 26 janvier 2011, le gouvernement a adopté en conseil des ministres le projet de loi sur les soins sans consentement portant réforme de la loi 90-527 du 27 juin 1990.

Alors que l’évaluation de cette loi était prévue pour 1995, on était en droit d’attendre, après 15 ans laissés à la réflexion, que la réforme envisagée se hisse au niveau des exigences modernes d’une véritable loi sanitaire garantissant à la fois la qualité des soins et le respect des libertés individuelles.

Au lieu de cela, l’avant-projet gouvernemental de mai 2010 maintenait la double voie juridictionnelle administrative et judiciaire, élargissait considérablement les prérogatives du préfet, renforçait la référence au risque de troubles à l’ordre public, durcissait les conditions de sortie et multipliait les catégories de patients concernés au nom d’une supposée dangerosité.

C’était ignorer à la fois l’évolution de la jurisprudence, les recommandations du Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe de 2004, les dispositifs plus avancés des pays voisins, les avis des acteurs de la santé mentale depuis le rapport d’évaluation de 1997 et, pire, l’esprit et la lettre de la Constitution.

Il aura fallu qu’une patiente soulève une question prioritaire de constitutionnalité et que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 26 novembre 2010 censure partiellement le texte actuel, pour que le gouvernement soit contraint de revoir sa copie.

Plutôt que de choisir l’unification des deux modes d’hospitalisation sans consentement sous le seul contrôle de l’autorité judiciaire, le nouveau projet ne renonce en rien au dispositif précédent. Au contraire même, puisqu’il est envisagé que le préfet puisse obtenir un recours suspensif contre la décision du juge, par voie d’injonction au Procureur de la République au mépris de la séparation des pouvoirs !

De plus, malgré la décision du Conseil Constitutionnel, ce nouveau projet de loi ne prévoit pas le recours systématique au juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre l’avis médical et la décision préfectorale, alors que le premier se base sur la nécessité des soins, et le second sur l’ordre public. Il maintient un casier psychiatrique sans limitation de temps, basé sur les antécédents médicaux, livrés à l’administration.

La logique sous-jacente est claire : plus aucune confiance n’est accordée aux magistrats comme aux médecins, les mesures de sûreté sur le fondement de l’ordre public priment sur les garanties des libertés et l’opportunité des soins.

Tout en se conformant, en apparence, à la décision du Conseil Constitutionnel par l’introduction de l’obligation pour le juge de « contrôler » la mesure d’hospitalisation sans consentement au delà de 15 jours, le projet ne donne aucune marge de manœuvre au juge, qui portera la responsabilité de la décision, sans disposer de moyens d’investigations propres ni de délais suffisants pour assurer un contrôle effectif.

On aurait pu croire au pays des libertés que cette loi fondamentale en termes de droits et de santé publique et qui concerne près de 70 000 situations par an et 3 ministères ferait l’objet d’une large concertation. Au lieu de cela, le gouvernement va soumettre ce texte en urgence au parlement selon la procédure accélérée.

Devant des situations en nombre croissant et à moyens constants, la psychiatrie et la justice devront donc se débrouiller pour gérer les incohérences d’un dispositif qui associe :

– des délais décisionnels impossibles à tenir pour des juges, qui sont en outre privés de moyens d’investigations propres et n’auront pour décider que l’opinion du patient, celle des médecins de l’établissement d’accueil, et celle du directeur d’établissement et/ou du préfet ;

– l’absence de marge de manœuvre pour le juge qui devra maintenir la mesure ou la lever, sans pouvoir ordonner de mesure alternative (soins en ambulatoire) ;

– l’absence de contrôle judiciaire des soins ambulatoires sans consentement,

– les difficultés de faire respecter le principe d’égalité des armes, le patient pouvant se trouver seul, sans avocat, face au juge, alors que directeur d’hôpital et préfet, non parties à la procédure, pourront imposer au procureur de faire appel,

– le maintien de contentieux administratif et judiciaire distincts,

– le cumul d’obligations légales propres au domaine hospitalier et aux procédures juridiques, aux risques des contradictions, comme dans les domaines des modalités d’accès aux informations médicales et des règles de publicité des débats et de communication des pièces juridiques

Le SPH, l’IDEPP et l’USM ne peuvent que désapprouver le fait que les ministères de la justice et de la santé, en ne saisissant pas l’occasion d’imposer une modernisation du droit, préparent déjà les conditions d’une multiplication des cas de contentieux et les impasses des situations cliniques rendues ingérables par une loi en réalité inapplicable.

Christophe Regnard, Président de l’USM

Jean-Claude Pénochet, Président de l’IPP

Contact USM : 06 88 13 79 13 –- email : valtonv@aol.com
Contact IPP : 06 20 59 66 69 – email : jc.penochet@wanadoo.fr