Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Conduite par le gouvernement, la réforme de la loi du 27 juin 1990 continue de suivre un parcours chaotique et les derniers évènements de procédure parlementaire qui ont précédé son adoption, à une courte majorité, par le Sénat, montrent bien que le texte n’est pas aussi équilibré et nuancé que ses promoteurs se plaisent à l’affirmer.

Cet entêtement du gouvernement à maintenir la mauvaise trame d’une loi décidée dans l’après-coup d’un évènement dramatique, pour y intégrer la récente décision du Conseil Constitutionnel que les ministères n’avaient pas anticipée, ne peut satisfaire à ce qu’il prétend défendre d’un équilibre entre protection des libertés, soins et impératifs de sécurité.

Dans cette conception particulière du tripode « santé – sécurité – liberté », selon la formule du rapporteur au sénat, on note que le rôle du préfet ne fait pas l’objet de la même réserve que celle appliquée au juge : si les ministres affirment qu’il est hors de question que le juge se substitue au psychiatre faute de compétence médicale, ils ne semblent pas douter des aptitudes du préfet qui peut imposer ses arrêtés au patient, quel que soit l’avis du médecin, et qui est informé par circulaire depuis le 11 janvier 2010 que ses décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

La commission des lois du Sénat a eu la sagesse de se saisir du texte pour en soulever quelques écueils anticonstitutionnels et il faudrait pouvoir en attendre au moins autant des députés pour leur 2e lecture du projet.

Pour ce qui est de la partie santé, les professionnels et les usagers demandaient une loi de santé mentale qui ne réduirait pas la réforme de la psychiatrie aux soins sans consentement et ferait respecter les promesses de Roselyne Bachelot lors de l’élaboration de la loi HPST. Au lieu de cela, la secrétaire d’Etat préfère annoncer un deuxième plan de santé mentale censé résoudre ce que le projet de loi ne règle pas, tout en affirmant déjà qu’aucun moyen supplémentaire ne sera nécessaire.

S’il est déjà assuré qu’il faudra se contenter des postes financés par le précédent plan de santé mentale, que l’organisation des soins psychiatriques n’est pas empêchée par la loi HPST et que souligner les nécessités de prise en compte des spécificités de la psychiatrie dans la politique de santé revient, pour la secrétaire d’Etat, à la stigmatiser face à la médecine et à la chirurgie, on peut s’interroger sur l’intérêt de ce futur plan et sur la qualité de concertation que les professionnels rencontreront avec son comité de pilotage. On se souvient que le vote rapide en janvier 2009 par les députés de 70 millions d’euros pour installer dans les hôpitaux psychiatriques des dispositifs de sécurité que les professionnels ne demandaient pas, n’avait pas fait l’objet des mêmes tergiversations.

Troisième pied du prétendu équilibre, le psychiatre est selon la secrétaire d’Etat la personne centrale du dispositif, alors qu’une fois le patient hospitalisé, ce psychiatre est simplement chargé de proposer ce que les autorités peuvent refuser. Ses avis, qui ne sont même plus des certificats, doivent être confirmés par ceux d’un 2e psychiatre, voire par celui, au sein d’un collège, d’un 3e soignant qui n’a pas même à être médecin. S’il détermine un « programme de soins » ambulatoires, il doit le faire selon un contenu fixé par la loi et transmis au préfet. Pour justifier autant d’encadrement, les capacités de ce personnage clé paraissent donc particulièrement mises en doute par son ministère de tutelle.

Si cette loi devait réellement assurer l’équilibre entre le droit des personnes et les nécessités de soins sans consentement, le psychiatre hospitalier, certificateur de privation de liberté, n’aurait pas perdu par le récent décret d’octobre 2010 son statut particulier que les réglementations antérieures lui avaient reconnu comme nécessaire pour garantir les libertés individuelles, en lui assurant une nomination indépendante des autorités administratives locales.

En l’absence de disposition prise pour rétablir cette reconnaissance du rôle propre des psychiatres hospitaliers que la loi HPST a fait disparaître en catimini, et que les possibilités d’aménagements par la commission Fourcade auraient pu permettre, il sera confirmé que les libertés et les soins ne sont pas au cœur de ce projet de loi, et que les seules spécificités attribuées par le gouvernement à la psychiatrie tiennent d’abord dans les mesures de contrainte.