Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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Relevé des conclusions du groupe de travail technique « Troubles mentaux et dangerosité »

I – Les liens entre les troubles mentaux, la dangerosité, les troubles à l’ordre public et la sûreté des personnes

Rappel :

Les participants s’accordent sur l’importance d’éviter la confusion entre ces différentes notions et sur les principes suivants :
– Les personnes souffrant de troubles mentaux ne sont pas toutes dangereuses,
– Tout trouble du comportement (violence, agressivité …) n’est pas forcément lié à un problème psychiatrique (problème de la confusion entre trouble du comportement et maladie mentale),
– La violence liée à une intoxication (alcoolisme, toxicomanie) n’est pas systématiquement liée à un trouble mental.

Définition des dangerosités :

La dangerosité peut être définie comme la probabilité que présente un individu de commettre une infraction que ce soit contre les biens ou contre les personnes.

Dangerosité criminologique : Elle peut faire l’objet de plusieurs définitions. Toutes sont néanmoins fondées sur des critères identiques : l’absence de pathologie psychiatrique et l’existence d’un risque de récidive ou de réitération d’une nouvelle infraction empreinte d’une certaine gravité.

Dangerosité psychiatrique : il existe un lien entre l’évolution des troubles mentaux (risque de rechute) et l’auto-agressivité et/ou l’hétéro-agressivité du patient et sa capacité de passer ou de repasser à l’acte.

Les patients soulignent l’importance de tenir compte de l’évolution du patient et notamment de l’aspect primordial de la compliance au traitement : ainsi, la majorité des patients souffrant d’une pathologie jugée potentiellement dangereuse, ne présent plus de danger dès lors qu’ils prennent régulièrement leur traitement et s’ils sont suivis à intervalle réduit (un suivi hebdomadaire réduirait de 4 fois le risque de commission d’un acte violent).

Les critères de l’HO :

Ces critères sont :
– la nécessité d’une prise en charge psychiatrique,
– et le constat d’un trouble grave à l’ordre public et/ou une atteinte ou un risque d’atteinte à la sûreté des personnes.

La notion de dangerosité psychiatrique ne recouvre donc pas complètement les critères de l’HO. Il n’est donc pas souhaitable de retenir ce critère comme la seule condition de l’HO.
Conclusion :

Un consensus se dégage pour proposer de garder les critères actuels fondant une hospitalisation d’office, qui paraissent opérants dès lors que les termes en sont bien respectés :
– Certificat médical : il est rappelé l’importance primordiale de ce certificat dont l’objet principal est d’attester de l’existence de troubles mentaux, condition sine qua non pour prendre une mesure d’HO. En effet, l’HO ne saurait être ramenée à une procédure ayant pour finalité le maintien de l’ordre public, ce critère étant subsidiaire, le critère princeps étant que la personne souffre des troubles mentaux nécessitant des soins.

Trouble grave à l’ordre public : la notion de gravité, corrélée avec la présence de troubles mentaux est importante et devrait permettre d’éviter certains abus (patients alcoolisés ou toxicomanes ne souffrant pas de pathologie mentale …). Cette notion mériterait d’être précisée avec le Ministère de l’Intérieur. On constate en effet une tendance à un déplacement de cette notion vers une acceptation de plus en plus souple et large. Plusieurs participants soulignent que cette notion peut aussi se travailler sur le plan local entre les professionnels de la santé (notamment les services d’urgences) et les force de l’ordre.

Sécurité des personnes : s’il est clair que le critère selon lequel l’HO concerne des personnes dont « les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes » doit continuer à protéger les personnes tierces, il n’y a pas de consensus sur le fait de savoir si ce critère doit s’appliquer à la personne concernée par la mesure. La question est de savoir si le risque suicidaire devrait relever exclusivement de l’HDT. Les professionnels souhaitent que, comme actuellement, le recours à l’une ou l’autre des procédures soit possible afin que la réponse puisse être appréciée au cas par cas. Ainsi, le prononcé de l’HO d’une personne suicidaire doit être possible, non seulement pour viser les situations où les moyens létaux peuvent mettre des tiers en danger, mais également pour permettre à la puissance publique d’intervenir éventuellement en cas de risque vital pour le malade.

II – Evaluation de la dangerosité

La question de l’évaluation de la dangerosité excède le domaine de l’hospitalisation d’office, car la capacité à apprécier la dangerosité d’une personne est au centre de l’application de nombreux dispositifs judiciaires, ou même sanitaire (sortie d’unité pour malades difficiles).

Le groupe souhaite que soit levée toute ambiguïté sur le rôle des psychiatres, qui sont de plus en plus sollicités en tant qu’experts pour évaluer la dangerosité criminologique, alors que seule l’évaluation de la dangerosité psychiatrique relève de leur compétence exclusive.

De même qu’il convient de distinguer la dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminologique, il convient de distinguer les auteurs de leur évaluation qui sont respectivement des psychiatres cliniciens et des experts en criminologie.

Dans une préoccupation légitime de protection de la société civile en général, et en particulier l’entourage des patients ou des professionnels de santé vis-à-vis des malades mentaux dangereux, la question des moyens d’évaluation du risque de passage à l’acte est posée.

Divers procédés d’évaluation sont évoqués :

1°) Les éléments considérés par les commissions de suivi médical se prononçant sur la sortie d’UMD (unité pour malades difficiles) :
– diagnostic de la pathologie,
– éléments de la trajectoire du patient qui expliquent le passage à l’acte,
– état du patient (appréciation de son évolution) :
. reconnaissance des faits par la personne,
. reconnaissance de la maladie,
. capacité d’affect,
. compliance aux soins,
. situation de rupture sociale (aggravation du risque de rupture de soins)
. aspects liés à la prise de toxiques.

2°) Les outils actuariels et les outils cliniques ou intermédiaires utilisés pour évaluer la dangerosité sont expérimentaux en France et relèvent du domaine de la recherche. Ils ne peuvent être utilisés ni en clinique quotidienne ni dans le cadre expertal.

– Les échelles actuarielles (essentiellement américaines) visent à donner une côte de dangerosité à visée prospective, fondée sur des éléments statistiques, prenant en compte l’environnement actuel et futur de la personne. Ces échelles relèvent d’une évaluation pluridisciplinaire. Elles mettent entre autre en relief les tendances psychopathiques.

– Les outils cliniques consistant à rechercher des signes de psychopathies, sont fondés sur les classifications (CIM 10 ou DSL IV).

– Il existe des outils intermédiaires qui visent à permettre une évaluation dynamique de l’état du patient et donne une tendance s’exprimant de façon binaire (critère favorable et défavorable).

Aucun outil d’évaluation ne peut être utilisé indépendamment d’un entretien clinique mené par un clinicien.

Par ailleurs, JL Senon présente des données issues d’une revue de la littérature et des enquêtes publiées sur les rapports entre crimes et maladie mentale. Ces données ainsi que d’éventuels écrits précisant les notions évoquées ce jour seront transmises par JL Senon aux membres du groupe.

III – Les armes à feu : l’opportunité d’un traitement national des données sur les personnes ayant fait l’objet d’une HO

Rappel

Les études sur les violences par armes à feu dans différents pays font apparaître un lien direct entre la législation sur la détention des armes et sur le nombre de meurtres : les pays ayant opté pour une législation facilitant l’accès aux armes à feu connaissent un nombre plus important de suicides et d’homicides.

Conclusion

Les participants s’accordent à dire qu’une législation très restrictive, applicable à l’ensemble de la population, sur les armes à feu est la meilleure prévention des homicides et des suicides.
Il n’est pas justifié de stigmatiser les seules personnes ayant des antécédents d’HO alors que la problématique de l’insécurité liée à la détention d’armes est une problématique générale qui excède celle des personnes souffrant de troubles mentaux.

Le groupe juge donc inefficace –et inutilement stigmatisant- la constitution d’un fichier des personnes ayant été en HO et propose qu’une expertise psychiatrique soit diligentée dans tous les cas de demande de possession d’armes.

Relevé des conclusions du groupe de travail technique « Autorité compétente et questions éthiques »

Dans la continuité des échanges qui se sont déroulés à l’automne dernier, le groupe de travail, qui s’est réuni à deux reprises, était chargé de réfléchir à la mise en place d’une procédure en l’absence de tiers et d’approfondir le rôle des différents acteurs intervenant dans le cadre des deux procédures d’hospitalisation sans consentement dans le souci de garantir les droits de la personne.

Nonobstant, certains professionnels ont déploré le fait que le dispositif ne puisse reposer sur une judiciarisation a priori.

I – L’hospitalisation sur demande de tiers

Deux questions avaient été principalement identifiées par le groupe plénier réuni le 6 mars dernier :
– la question du rôle du tiers et son évolution vers un tiers « signaleur » de besoins de soins ainsi que la mesure des conséquences du passage de l’hospitalisation sans consentement aux soins sans consentement,
– les moyens de remédier à l’absence de tiers.
1) Faut-il revoir le rôle du tiers ?

Une discussion nourrie a eu lieu sur le rôle du tiers et sa responsabilité et sur le lien entre l’engagement du tiers au moment de la demande, son rôle de garant des droits des patients et la possibilité pour lui de mettre fin à l’hospitalisation sans consentement.
En effet un consensus s’est d’abord dégagé sur le fait que le tiers devait être un demandeur ou un signaleur de besoin de soin mais pas un prescripteur d’une modalité thérapeutique (hospitalisation). Cependant une telle évolution devrait alors avoir logiquement pour conséquence qu’une fois que le patient est pris en charge, le tiers ne devrait plus être impliqué dans la fin de la prise en charge. Cette éventualité a été discutée mais n’a pas fait consensus dans la mesure où plusieurs participants ont indiqué que l’engagement du tiers au moment de la demande était facilité par le fait que le tiers savait qu’il pouvait avoir un rôle dans la levée de la mesure.
Par ailleurs le fait que le tiers joue un rôle de garant des droits des patients tout au long de la mesure a été souligné et mérite d’être conservé. En effet, le personnel médical et soignant ne peut être, juridiquement, ce garant dans la mesure où il est partie prenante de soins.

Pour tenir compte de l’ensemble de ces arguments, il faudrait sans doute revoir la formulation de la demande du tiers et poursuivre la réflexion pour savoir si une telle évolution doit ou non avoir des conséquences sur le rôle du tiers dans la poursuite de soins.

2) Comment remédier à l’absence de tiers ?

Cette question a notamment motivé la commande du rapport de l’IGAS/IGSJ et le groupe plénier l’a considérée comme un problème majeur sachant qu’il n’existe pas de données disponibles permettant d’évaluer le nombre de situations pour lesquelles il n’y a pas de tiers.

Le groupe technique a relevé que, dans la pratique actuelle, les professionnels peuvent régler une partie des situations les plus critiques par le recours à la procédure d’hospitalisation d’office. Cette situation, qui n’est pas satisfaisante à plusieurs points de vue, permet d’offrir une solution pragmatique qui pourrait être conservée sous réserve :
– que soit maintenue l’absence de clivage absolu entre le recours à l’HDT et le recours à l’HO,
– que l’on n’augmente pas la stigmatisation des personnes en HO par rapport à celles en HDT.

La relative souplesse du dispositif actuel est jugée indispensable par les professionnels en tant qu’elle permet de régler certaines situations et d’apporter la réponse sanitaire adéquate.

A ces considérations s’ajoute le constat d’une marge de manœuvre relativement restreinte du fait des exigences européennes qui préconisent que le demandeur de l’hospitalisation soit indépendant de l’autorité qui prend la décision.

Diverses solutions ont été envisagées et pré-expertisées pour revenir à la situation antérieure à la jurisprudence du Conseil d’Etat et permettre aux professionnels impliqués dans la prise en charge de formuler la demande d’hospitalisation (extension de la notion de tiers, procédure dérogatoire). Toutes présentent des problèmes de faisabilité que ce soit en termes des garanties au regard des libertés individuelles ou de la responsabilité des professionnels concernés.

Le groupe ne s’est pas prononcé clairement sur la nécessité de réformer le dispositif de l’HDT (compte-tenu notamment de la possibilité de recours à l’HO) ni a fortiori en faveur d’une solution précise. Aucune majorité ne s’est non plus dégagée sur la définition de l’absence de tiers, à savoir isolement social ou refus des proches ou de la famille à formuler la demande d’hospitalisation.

Dans ce contexte, il paraît difficile d’aller au-delà de la proposition qui avait été faite dans le cadre des discussions de l’automne consistant à aménager une procédure dérogatoire :
– réservée aux personnes en situation d’isolement social (absence de tiers potentiel),
– supposant une trace au dossier des preuves de la carence de tiers potentiel,
– le cas échéant, réservée à une situation sanitaire à définir,
– dont la mise en œuvre est encadrée par des garanties spécifiques, par exemple : contrôle systématique par les CDHP, information du Procureur de la République.

Cette procédure dérogatoire réserverait à un médecin extérieur à l’établissement d’accueil le soin de demander l’hospitalisation.

II – L’hospitalisation d’office

Le maintien des dispositions actuelles en matière d’HO a été rappelé par l’ensemble des professionnels (compétence de droit commun du préfet et possibilité pour le maire de prononcer une mesure provisoire) compte-tenu des risques de « pression » qui pourraient être exercées sur une autorité trop proche de nos concitoyens.

Le groupe a été interrogé sur la nécessité d’apporter des garanties dans le cadre de la procédure d’urgence, sachant que les personnes concernées par les mesures provisoires du maire font l’objet d’une hospitalisation qui est confirmée dans 70 % des cas.

Ainsi, les problèmes de la définition des circonstances de la mesure provisoire (« en cas de danger imminent pour la sureté des personnes, attesté par un avis médical, ou à défaut, par la notoriété publique » et « troubles mentaux manifestes ») ainsi que celui du statut de la personne qui n’est pas juridiquement en HO ont été abordés.

Les professionnels ont estimé que le préfet devait intervenir le plus tôt possible pour confirmer la mesure et que le problème était plus celui de la levée qui devrait dépendre de la position médicale et ne pas relever d’une décision purement administrative.

Relevé des conclusions du groupe de travail technique «Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques »


Les points suivants ont été abordés :
1) La nouvelle appellation des CDHP :

Les membres du groupe ont rejeté une appellation telle que « commissions des soins psychiatriques sans consentement » et ont souhaité qu’apparaissent les termes « libertés individuelles ».
Ils ont proposé de renommer les CDHP soit « commissions des libertés individuelles » soit, pour éviter le caractère trop général et donc peu lisible de cette première appellation « commission des libertés individuelles des soins psychiatriques ».

2) Le champ d’intervention des CDHP :

L’article 3223-1 du code de la santé publique prévoit que la CDHP examine en tant que de besoin la situation des personnes hospitalisées, ce qui inclut les personnes hospitalisées sans consentement.

Les partenaires ont débattu de la nécessité de restreindre le champ d’intervention de la CDHP aux seules situations d’hospitalisation sans consentement. Sur ce point, aucun consensus n’a été dégagé.

3) Le statut des CDHP : Faut-il la doter de la personnalité juridique ?

Après débat, la conclusion a été que les inconvénients (lourdeur de la procédure, responsabilité civile et pénale des membres, incompatibilité avec une procédure de nomination, pas d’autonomie financière car financement par dotation de l’Etat, surcoût liés à l’emploi de personnels dédiés aux tâches budgétaires et comptables) l’emportaient sur les avantages (possibilité d’ester en justice), le groupe s’accordant à dire que les vraies questions sont celles des pouvoirs et des moyens des CDHP.

4) Le renforcement de l’efficacité d’intervention des CDHP :

Au préalable, les participants ont mis en exergue le fait que le travail de la CDHP était plus un travail sur « dossier » qu’un travail auprès des personnes hospitalisées sans consentement, ce qui découle de l’écriture du texte. Ils ont estimé qu’un travail auprès de la personne dans les premières heures de son hospitalisation et dès lors qu’elle est susceptible de communiquer était nécessaire.

Dans ce cadre, les membres du groupe ont évoqué la création de la fonction de correspondant des CDHP au sein des établissements habilités afin :
– de permettre aux CDHP d’intervenir sur demande de patient transmise par le correspondant,
– de permettre aux patients d’identifier, au sein de leur établissement d’hospitalisation, une personne chargée de leur délivrer l’information sur leurs droits.
Les conditions de cette intervention n’ont toutefois pas été fixées précisément : la création d’une fonction de correspondant de la CDHP au niveau de l’établissement, qui jouerait un rôle d’interface entre les patients et la commission a été débattue sans qu’elle fasse consensus.

Une autre solution indépendante de la CDHP a été évoquée : celle de la désignation d’un avocat d’office, sans qu’une analyse de la faisabilité ait été faite à ce stade.

Au-delà, il a été considéré qu’il conviendrait :
– d’affirmer le rôle des CDHP en matière de levée d’hospitalisation en clarifiant la procédure de saisine du juge (aujourd’hui les CDHP peuvent saisir le JLD en application du 7° de l’article L. -1, mais aucune mention de cette possibilité n’est, en miroir, prévue à l’article L. 3211-12 qui énumère les personnes susceptibles de demander la levée d’une hospitalisation sans consentement),

NB : Il est rappelé que la levée d’une HDT est acquise, en l’absence d’opposition médicale, lorsqu’elle est demandée par la commission.

– de cibler les interventions sur les cas les plus sensibles et notamment :
. l’application d’une éventuelle procédure dérogatoire mise en œuvre en l’absence de tiers pour une personne répondant aux critères de l’HDT,
. l’opposition médicale à la levée d’une HDT demandée par le tiers,
. les HSC longues (plus d’un an ?).

Entre la nécessité d’intervenir systématiquement auprès de toute personne hospitalisée sans consentement au risque pour les CDHP d’être embolisées par les seules entrées et la nécessité d’assurer un suivi des patients hospitalisés sans consentement notamment dans les cas les plus sensibles (hospitalisations sans tiers, durée prolongée des soins sans consentement …), un équilibre n’a pas clairement été défini.

5) Revoir le fonctionnement des commissions :

La redéfinition des missions des CDHP nécessite selon les partenaires de les doter d’un secrétariat permanent (24 h/24 h et 7j/7j), avec une fonction de secrétariat identifié.

La « professionnalisation » des membres de la CDHP a été souhaitée. Cela se heurte à plusieurs difficultés notamment pour les magistrats et les représentants des usagers.

Le groupe de travail a pris note de la publication de l’arrêté du 20 avril 2007 relatif à l’indemnisation des membres des CDHP en considérant que cela ne saurait clore la question de la reconnaissance d’un véritable statut des membres de cette commission.

Relevé des conclusions du groupe de travail technique « Soins ambulatoires »

I – Différences entre sortie d’essai et soins ambulatoires

La question est réabordée à la demande de la CGT.
Il est rappelé en préalable que le groupe plénier avait maintenu la distinction entre les deux notions qui correspondent à des problématiques de prise en charge différentes et qu’il avait été proposé de substituer la notion d’essai de sortie à celle de sortie d’essai. Ce cas de figure correspond à la situation d’un patient que l’on essaye de remettre progressivement dans son milieu ordinaire avec l’objectif de lever à court terme les mesures de soins sans consentement. Pour cette raison le groupe plénier avait proposé que l’essai de sortie soit limité à une durée de trois mois renouvelable une fois. Cette situation est très différente de celles des patients pour lesquels est posé, à un moment donné de leur prise en charge, que des soins ambulatoires sont indiqués, sans que cela présuppose un terme pour la levée de la modalité sans consentement du soin.

Lors de la discussion au sein du groupe de travail l’idée d’un regroupement des deux régimes est défendue par certains représentants syndicaux (notamment le SPH, le SPS et la CFDT) qui considèrent qu’il n’est pas nécessaire d’empiler les dispositifs ni d’alourdir le système, mais elle n’est pas partagée par tous notamment l’UNAFAM qui souhaite le maintien des deux statuts.
Il est aussi fait la remarque de la différence de statut administratif des deux procédures qui exposent au risque d’une différence de qualité de prise en charge.

2 – Eléments du projet de soins ambulatoires à l’appui de la décision

L’UNAFAM, très attachée à la recherche du consentement aux soins, propose l’idée du contrat de soins entre le patient et l’équipe soignante : en cas de non respect des engagements réciproques, le contrat est rompu et la réhospitalisation est possible. Il s’agit toutefois d’un contrat moral qui permet de travailler sur le sens du soin.

Au terme d’une discussion ouverte, la notion de contrat ne semble pas incompatible avec celle de soins sans consentement dans la mesure où l’on se situe dans une indication de soin ambulatoire, ce qui sous-tend que le patient dispose de capacités d’autonomie et de compréhension du sens des soins qui lui sont proposés. Il apparaît toutefois nécessaire de bien s’assurer que l’esprit et les termes du contrat « moral » sont bien perçus par le patient. La notion de « projet de soins » (contractuel entre le patient et le psychiatre) dans ce cadre paraît plus adaptée au contexte.

Ce projet de soins, qui est avant tout un outil thérapeutique doit demeurer dans le dossier médical et n’a pas vocation à être transmis aux autorités.

Dans ces conditions il apparaît nécessaire de bien faire figurer dans le certificat médical légal les modalités du soin et les obligations de rendez-vous de consultations (où, quand, avec qui) demandés au patient, d’insister sur l’obligation de traitement (compliance) et de mentionner de manière claire les « sanctions » en cas de non respect de ces obligations (notamment la possibilité de faire procéder à une hospitalisation complète).

Les certificats relatifs à la mise en œuvre d’une modalité ambulatoire du soin doivent impérativement mentionner les deux types de circonstance pouvant justifier une réhospitalisation du patient :
– le manquement à une obligation de suivi (cf. supra)
– l’aggravation de la situation clinique du patient, devenant incompatible avec le maintien des soins ambulatoires, y compris dans le cas du strict respect des obligations de suivi par le patient.

3 – Conduite à tenir en cas de non respect du projet de soins ?

En cas de patient « défaillant » la première démarche doit consister à faire un bilan au sein de l’équipe chargée de la prise en charge pour apprécier la situation :
– la défaillance est anodine ou est-elle liée à l’aggravation des troubles ?
– quelles conséquences est-elle susceptible d’entraîner pour le patient ? y a-t-il apparition d’un risque pour le patient ou pour le tiers ?

En fonction de ces éléments, il peut être envisagé simple contact téléphonique, une visite au domicile par des professionnels de santé de l’établissement ayant en charge le patient sans exclure d’emblée ou secondairement le recours aux forces de l’ordre.

Dans tous les cas il y a nécessité d’avertir l’autorité ayant pris la décision de soins sans consentement par le biais d’un certificat circonstancié et argumenté.

Sur la question du recours aux forces de l’ordre, il sera nécessaire de solliciter le ministère de l’intérieur pour connaître son positionnement (dans le contexte où les forces de police viennent d’obtenir leur désengagement des missions de gardes et escortes des personnes détenues pour se recentrer sur des missions de maintien de l’ordre). Au-delà du principe de recours aux forces de l’ordre qui paraît devoir être mentionné dans la loi, est proposée l’idée d’un renvoi à l’élaboration d’un protocole local entre les personnes concernées (Préfet – établissements de santé habilités) inspiré du modèle des conventions police-hôpital mises en place dans le cadre de la sécurisation des établissements de santé.

Dans une situation où la détérioration de l’état de santé du patient suivi en ambulatoire occasionnerait l’apparition d’une dangerosité potentielle, le recours à une évolution du statut « à la demande d’un tiers » vers celui « d’office ou à la demande d’une autorité publique » n’est pas exclue mais pour l’UNAFAM l’essentiel est d’avoir anticipé en ayant élaboré une procédure d’urgence unique, qu’elle s’applique en début de processus d’un soin sans consentement ou en cours d’évolution. La question principale est donc de la gestion des situations d’urgence.

4 – Mise en œuvre du projet de soins

D’un point de vue unanime, la responsabilité de la conduite thérapeutique des soins et le suivi du patient ambulatoire relève du psychiatre et de l’établissement de santé habilité qui le prennent en charge.

L’hypothèse d’une délégation partielle du suivi thérapeutique ne fait à l’inverse l’objet d’aucun consensus, certains (SPH notamment) y étant très opposés, d’autres y étant plus favorables sous un certain nombre de réserves et de garanties (UNAFAM, SPS).

Pour le SPS, ces garanties pourraient notamment être apportées dans le cadre d’un réseau de santé mentale. Le psychiatre responsable de la prise en charge thérapeutique du patient pourrait ainsi déléguer une partie du suivi soit à un psychiatre libéral soit au médecin généraliste membres du réseau. Cette modalité aurait pour principal avantage d’apporter une souplesse de fonctionnement notamment dans les régions confrontées à une réduction du nombre de psychiatres exerçant en établissement tout en garantissant une cohérence en termes de prise en charge. L’UNAFAM rappelle à ce propos le caractère très exigeant des réseaux.

5 – Durée et renouvellement des décisions de soins sans consentement ambulatoires

Il n’apparaît pas légitime de limiter a priori la durée d’un soin ambulatoire.

Toutefois dans le souci de garantir la liberté individuelle des patients, il apparaît nécessaire de s’assurer que le maintien du caractère sans consentement de ces soins ambulatoires correspond bien, au fil du temps, à un maintien des indications cliniques et non à une simple facilité de routine.
Se forme donc un consensus sur l’intérêt de prévoir un dispositif de requestionnement à un an. A contrario aucun consensus ne se dégage sur les modalités de ce dispositif :
– la réhospitalisation systématique du patient ne paraît pas légitime dans le cas d’un patient compliant : outre le fait qu’elle ferait porter des contraintes importantes sur les patients, elle risquerait d’être perçue négativement comme une sanction puisque jusque là considérée comme inutile,
– le recours à une expertise est jugé peu opérationnel,
– le recours à un autre praticien (sur le modèle du second certificat des actuelles HDT) n’apparaît pas apporter de réelles garanties,
– la réalisation d’un examen approfondi par l’équipe prenant habituellement en charge le patient rallie plus de suffrages mais soulève la question du « rendu compte » aux autorités (cf l’impossibilité d’évoquer dans un texte un certificat « particulièrement » circonstancié),
– le recours à un avis de la CDHP ne paraît pas pertinent (faisabilité, légitimité à porter un jugement clinique),
– le recours à un avis collégial se heurte à la question de la démographie médicale (à l’instar des commissions du suivi médical des UMD).

6 – Les soins sans consentement ambulatoire (notamment lorsqu’ils sont en soins sans consentement d’office) pourraient-ils être assortis de restrictions ?

Au-delà d’une position de principe ferme refusant toute restriction apportée par le praticien, défendue par certains membres du groupe (SUP notamment), argumentée essentiellement par le souci de ne pas tomber dans une approche sécuritaire, le débat qui s’ensuit montre qu’en réalité ces situations sensibles sont rencontrées dans la pratique quotidienne : déplacements, compatibilité d’un traitement avec certaines activités professionnelles ou non … Si elles sont en règle générale gérées par discussion avec le patient dans le cadre des hospitalisations libres, la question d’une responsabilité particulière ne peut être totalement évacuée dans le cadre d’une obligation de soins. De ce point de vue ces restrictions éventuelles, spontanément perçues comme relevant de l’ordre du sécuritaire peuvent également s’analyser en terme de « protection » du praticien, dès lors qu’il appartiendrait à d’autres, de les respecter alors qu’il les aurait prescrites.

Relevé des conclusions du groupe de travail technique « Transports »

Monsieur Gentile rappelle le contexte de la réunion. Au quatrième trimestre 2006, un consensus a été dégagé par les partenaires sur les grandes lignes des propositions de réforme de la loi de 910, à savoir :
– le maintien de deux régimes de soins sans consentement,
– le fait qu’il n’y a pas de « judiciarisation » de la décision de soins sans consentement,
– la dissociation de la décision de soins sans consentement des modalités de prise en charge, ce qui autorise des soins sans consentement en hospitalisation, sous forme de prise en charge à temps partiel ou en consultation,
– la création d’une procédure d’entrée dans les soins sans consentement en l’absence de tiers,
– l’évolution des missions de la CDHP.

Sur la base de ce consensus il a été décidé, lors de la réunion plénière du 6 mars 2007, de la création de 5 groupes techniques, dont celui sur les transports, pour affiner et argumenter, sur un plan technique, certains éléments de la réforme.
Certaines questions sur les transports nécessiteront un avis du Ministère de l’intérieur. En l’absence de représentants de ses services, ces questions ne pourront être complètement traitées dans le cadre de cette réunion.

1 – A partir de quel moment la prise en charge sanitaire du patient nécessitant des soins sans consentement doit-elle commencer ?

Un consensus se dégage pour indiquer que la prise en charge sanitaire commence dès la rédaction du certificat médical. Toutefois cette prise en charge ne peut démarrer, pour l’établissement de santé qui accueillera le patient, qu’à partir du moment où un premier certificat médical est transmis.
L’UNAFAM exprime à ce propos le souhait qu’une équipe psychiatrique puisse se déplacer au domicile du patient.

2 – Réalisation du transport vers le lieu de prise en charge des patients en soins sans consentement

Le type de réponse qui sera apportée doit être adapté à chaque cas. En effet la présence de personnels soignants ou des forces de police n’est pas toujours nécessaire et ne dépend pas forcément de la qualification en HO ou HDT mais de la situation présentée par le patient.
Il convient de bien distinguer ce qui relève du transport et de la prise en charge sanitaire de ce qui relève de la sécurité durant le transport, qui devrait être assurée par les forces de l’ordre.

Il est cependant souligné que les moyens médicaux de sédation voire des moyens de contention permettent, dans des situations de dangerosité potentielle, et dans le cadre d’une utilisation guidée par des protocoles de limiter le nombre de transports difficiles.

D’une manière générale le principe d’une régulation du transport par les SAMU fait consensus ; non systématique, elle a pour corollaire la rédaction préalable de protocoles devant préciser notamment dans quelles circonstances les SAMU ou les forces de Police doivent être mobilisés.

2.1 – Protocoles organisationnels

L’ensemble des participants est d’accord pour estimer que le besoin de coordination et l’appel à la régulation du transport diffèrent selon l’état du patient. Il peut être nécessaire de faire appel à des forces de l’ordre, selon le cas, que le patient soit en HO ou en HDT. Inversement, un transport de patient en HO ne signifie pas automatiquement un recours aux forces de l’ordre. La question essentielle est celle de l’appréciation globale de la dangerosité.

Il est souligné que la définition des principes d’application locaux des protocoles et leur mise en place effective doivent être accompagnées d’un travail en amont entre les établissements de santé (directeur / psychiatres / urgentistes), les médecins généralistes et les forces de l’ordre.

Un consensus s’établit sur la nécessité d’inscrire dans la loi l’obligation de rédiger des protocoles d’intervention et de transport, de préférence au niveau départemental (cf. compétence des Préfets en matière de HO et au niveau d’intervention des SAMU Centre 15), d’en fixer le cas échéant la trame générale mais de laisser la déclinaison de ces principes généraux sous la responsabilité des acteurs locaux.

2.2 – Accompagnement des patients

Il convient ici de distinguer les transports des patients en HO des transports des patients en HDT.

Transports des patients en HO
Le transport est organisé par l’établissement de santé désigné dans l’arrêté du Préfet dès réception du certificat médical et de l’arrêté provisoire ou définitif de HO. La règle générale est celle d’un accompagnement du patient par du personnel soignant bien que ce ne soit pas systématique. Les conditions dépendent à la fois du lieu de déclenchement de la procédure (voie publique, domicile / commissariat) et des conditions de transport (ambulanciers / pompiers).

Cela pose plusieurs questions :
– Prise en charge du patient entre le moment où le certificat médical est effectué et le moment où l’arrêté est reçu par l’établissement
Certains participants indiquent que le délai peut être, dans certains cas, relativement long (plusieurs heures). Dans cette hypothèse se pose la question de l’accompagnement sanitaire durant cette attente puisque le principe est admis que la prise en charge sanitaire commence dès la rédaction du certificat médical. Lorsque c’est le médecin généraliste qui a été appelé, il a généralement quitté les lieux avant l’arrivée du transport.
Le transport du patient vers un service d’urgence au sein duquel le patient pourrait bénéficier d’une surveillance sanitaire avant d’être éventuellement transféré vers le service de psychiatrie qui le prendra en charge est évoqué comme une piste possible.

– Sédation éventuelle du patient pendant le transport
Plusieurs situations sont envisagées :
. le médecin généraliste a sédaté le patient,
. si ce n’est pas le cas, le groupe de travail souhaite que le personnel soignant qui arrive sur les lieux pour assurer le transport dispose d’une prescription écrite d’un médecin. Celle-ci peut émaner du médecin généraliste qui a laissé la prescription sur place ou l’a faxée à l’établissement. Actuellement la prescription émane souvent d’un psychiatre de CMP mais cette pratique, en l’absence d’examen clinique du patient, n’est pas satisfaisante et engage gravement la responsabilité du médecin. A contrario il est fait remarquer que certains médecins généralistes hésitent parfois à prescrire des molécules dont ils n’ont pas une grande expérience. C’est pourquoi, il serait intéressant de prévoir que le médecin généraliste puisse avoir, si besoin, un avis téléphonique avec un psychiatre de l’établissement d’accueil pour effectuer la prescription. La mise en œuvre d’une telle orientation serait facilitée dans le cadre de réseaux de santé,
. dans le cas où le transport est assuré par véhicule du SMUR, la prescription peut être effectuée sur place par le médecin du SMUR.

Transport des patients en HDT
Dans ce cas, l’accompagnement sanitaire des patients est rarement effectué avec les équipes de l’établissement de santé en dehors des retours de sorties sans autorisation (« fugues »). La plupart des transports sous HDT ne requiert pas de mesures particulières et est effectuée et/ou organisée par la famille ou les proches mais la question de l’accompagnement de patients agités sous mesure d’HDT est particulièrement complexe : les ambulanciers privées peuvent refuser d’effectuer le transport, la police peut refuser son intervention en dehors de l’existence de troubles à l’ordre public ; il est précisé qu’elle ne peut pas, en règle générale pénétrer dans les domiciles privés. C’est dans ces cas là qu’une régulation par le centre 15 trouve sont intérêt. Si les protocoles ont été antérieurement négociés avec la Police et les établissements de santé concernés, le caractère nécessaire d’une intervention extérieure est alors garanti par le centre 15. Il ne faut en effet faire appel à la Police et la gendarmerie que lorsqu’on ne peut pas faire autrement.

2.3 – Quels sont les opérateurs du transport ?

Il peut s’agir, comme pour le transport de tout patient de :
– toute société agréée, y compris les ambulances des établissements de santé dès lors qu’ils sont agréés,
– des véhicules des SMUR – ATSU,
– dans le cadre des conventions relatives aux transports sanitaires avec le SAMU, l’appel aux pompiers est également cité comme généralement très pertinent.

Il convient dans tous les cas que les véhicules comprennent dans leur équipement une mallette de contention.

2.4 – Financement du transport

Transport d’un patient en HO : le coût du transport est à la charge de l’établissement de santé qui accueille le patient.

Transport d’un patient en HDT : le coût du transport est à la charge du patient.

3 – Situation particulière des personnes détenues : transport vers les UHSA

Les orientations générales sont les suivantes :
Le transport de l’établissement pénitentiaire à l’UHSA d’une personne détenue devant être hospitalisée avec son consentement, incombe à l’administration pénitentiaire. Si l’état de santé de la personne concernée l’exige et sur prescription médicale, un accompagnement par le personnel hospitalier de l’établissement de santé siège de l’unité peut être prévu.
Le transport de l’établissement pénitentiaire à l’unité spécialement aménagée, d’une personne détenue devant être hospitalisée sans son consentement, incombe à l’établissement de santé siège de l’unité spécialement aménagée. La personne détenue est alors accompagnée par des membres du personnel soignant de l’établissement de santé et escortée par des membres du personnel pénitentiaire.
Le transport de l’UHSA à l’établissement pénitentiaire de la personne détenue, hospitalisée avec ou sans son consentement, incombe à l’administration pénitentiaire. La personne détenue est accompagné, si nécessaire et sur prescription médicale, par des membres du personnel soignant.
Lorsque la personne détenue est considérée comme particulièrement dangereuse, il peut être fait appel à la Police pour assurer une escorte (dispositif dit de prêt de main forte).

Lorsque le transport incombe à l’administration pénitentiaire, le véhicule utilisé pour le transport de la personne hospitalisée dans une unité spécialement aménagée est un véhicule pénitentiaire, sauf prescription médicale prévoyant le recours à un véhicule sanitaire léger ou à une ambulance ; lorsque le transport incombe à l’établissement de santé, les dispositions relatives aux transports sanitaires sont applicables.