Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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La commission des lois du Sénat examine à compter de ce jour le projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.

Le SPH (Syndicat des Psychiatres Hospitaliers), l’ASPMP (Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire), l’ANPEJ (Association Nationale des Psychiatres Experts Judiciaires), et l’USM (Union Syndicale des Magistrats) dénoncent de manière vigoureuse les dispositions introduites par l’Assemblée nationale à l’article 15 quater du projet, étendant les compétences des Conseils Locaux et Départementaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD et CDSPD), qui réunissent représentants des services de l’Etat, élus locaux, et procureur de la République.

Créées dans le but d’améliorer les dispositifs et moyens de lutte contre la délinquance, ces instances partenariales ont vocation à une prise en charge globale de ces problématiques. Or, l’Assemblée Nationale tend à les substituer à l’autorité judiciaire en prévoyant de leur confier le suivi de l’exécution des peines, et donc de situations individuelles, puisqu’elles pourraient échanger toute information, y compris individuelle sur le suivi des condamnés.

Pire, l’état-major de sécurité, organe opérationnel du CDSPD, coprésidé par le préfet et le procureur de la République, qui regroupe les responsables de la police et de la gendarmerie, l’inspecteur d’académie, le directeur des impôts, le directeur des douanes, et selon les thèmes abordés, d’autres acteurs de la sécurité (bailleurs sociaux, transporteurs publics…) aurait désormais pour mission :
• De désigner les sortants de prison devant faire l’objet d’un suivi soutenu, par la police et la gendarmerie, quant au respect des obligations et interdictions qui leur incombent,
• D’échanger toute information qu’ils jugent nécessaire au respect de ces obligations et interdictions ainsi qu’à la prévention de la commission de nouvelles infractions ;
• D’informer régulièrement les juridictions d’application des peines et les services d’insertion et de probation des conditions de mise en œuvre de ce suivi.

Dans ce cadre, ces instances pourraient se voir transmettre toute information qu’ils estimeraient utile et notamment des pièces jusque-là destinées uniquement à l’autorité judiciaire pour des questions évidentes de confidentialité : relevé intégral des condamnations pénales, jugement pénal, « rapports d’expertises réalisées pendant l’enquête ou l’instruction ou ordonnées en cours d’exécution de la peine », contenant pourtant des données médicales confidentielles couvertes par le secret…

Outre que l’absence de confidentialité sur la situation pénale et médicale du condamné est de nature à faire obstacle à l’efficacité de sa réinsertion, ces dispositions conduisent à diffuser largement des informations qui concernent la victime, y compris dans des affaires pour lesquelles le huis clos aura été ordonné à sa demande. Surtout, elles portent une atteinte inacceptable au secret médical à l’indispensable séparation des pouvoirs au sein d’un Etat de droit.

Seule l’autorité judiciaire doit assurer le suivi individuel des personnes condamnées, le cas échéant par le biais d’instructions données, par elle, aux officiers de police judiciaire ou aux services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Alors que le Gouvernement et le Parlement, en juillet 2013, ont supprimé les instructions que pouvait donner le garde des Sceaux aux procureurs dans des dossiers individuels et qu’ils n’ont de cesse de proclamer la nécessité d’évoluer vers l’indépendance des magistrats du parquet (sans que jusqu’ici les paroles se soient traduites en actes) il est effarant de constater que de telles dispositions permettraient au Préfet de dicter sa conduite au Procureur de la République

Le SPH, l’ASPMP, l’ANPEJ et l’USM invitent donc le Sénat à supprimer ces dispositions.

Par ailleurs, alors que plusieurs lois, marquant une défiance à l’égard du juge, avaient instauré des expertises psychiatriques obligatoires en fonction des faits ou de la personnalité des mis en cause, au détriment d’une appréciation en opportunité de ces expertises, de la durée des procédures et du budget de la justice, l’Assemblée Nationale a supprimé certaines de ces obligations.

Les organisations signataires, qui réclament une réelle individualisation des poursuites et des peines, ne peuvent que saluer ce premier pas et inviter le Sénat à supprimer tous les autres cas où la loi prévoit des expertises obligatoires.

Elles déplorent toutefois que ce texte n’ait pas été l’occasion de réformer, enfin, l’expertise comme l’ont préconisé les travaux de la commission parlementaire dite d’Outreau et l’Audition publique sur l’expertise psychiatrique pénale réalisée en 2007 à l’initiative de la Haute Autorité de Santé.

En 2012, le SPH, l’ASPMP, l’ANPEJ, et l’USM avaient, avec 8 autres organisations professionnelles, formé plusieurs préconisations en la matière visant notamment à la création d’un institut de l’expertise, à une réforme de la formation des experts, à un contrôle plus adapté des experts, à une révision des modalités d’inscription sur la liste des experts, à une revue à la hausse des rémunérations….

Ce texte est une nouvelle occasion manquée d’aborder ces questions pourtant cruciales à une prise en charge efficace des personnes condamnées.

Les organisations signataires demandent instamment au Sénat de restaurer les principes de la séparation des pouvoirs et du respect du secret médical et aux pouvoirs publics de lancer une réelle réflexion sur l’expertise judiciaire.

Signataires :

SPH : Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
ASPMP : Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire
ANPEJ : Association nationale des Psychiatres Experts Judiciaires
USM : Union Syndicale des Magistrats