Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux
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POURQUOI UNE REFORME DE LA LOI DE 90 SELON LE MINISTERE: l’EXPOSE DES MOTIFS

Selon le ministère, la réforme résulte d’une volonté commune de tous les partenaires de faire évoluer le dispositif des hospitalisations sans consentement et doit régler les questions soulevées par les rapports d’évaluation des inspections générales : apporter une solution aux difficultés d’accès aux soins psychiatriques et tenir compte de l’évolution des conditions de prise en charge

Selon 4 objectifs :
Lever les obstacles à l’accès aux soins et favoriser leur continuité pour maintenir la place des personnes présentant un trouble mental dans la société
Adapter la loi à l’évolution des soins pour des soins sans consentement sous d’autres formes que l’hospitalisation à temps plein, et remplacer le cadre des sorties d’essai
Améliorer la surveillance des patients susceptibles de présenter un danger pour autrui : nécessité attestée par « divers évènements dramatiques survenus ces derniers temps » et rappelée par le président de la République
Renforcer les droits des personnes et garantir les libertés individuelles

COMMENT

A) Les soins sans consentement sont possibles sous une autre forme que l’hospitalisation complète (L 3211-2-1)

B) L’HDT devient « soins sans consentement sur demande d’un tiers » (L3212-1 à 3212-11)

a- L’admission :
Une demande de tiers : par un membre de la famille ou toute personne ayant des relations antérieures à la demande de soins avec le malade

Un seul certificat, par un médecin qui peut exercer dans l’établissement

Hospitalisation initiale obligatoire

Le directeur informe sans délai le procureur du TGI du domicile du patient et du ressort où est situé l’établissement de l’identité du malade et du tiers (nom, prénom, profession, domicile)

b- Dans les 72 heures suivant l’admission
Certificats de 24h et de 72h par un médecin de l’établissement différent de celui qui a rédigé le 1er certificat

Les certificats médicaux confirment ou infirment la nécessité de soins sans consentement et établissent la modalité de prise en charge : hospitalisation complète, hospitalisation partielle, autre sans hospitalisation

En cas de soins sans consentement sans hospitalisation, le directeur établit un document avec identité, profession, adresse du malade, calendrier des visites médicales obligatoires adressé avec les certificats au préfet et à la CDSP (remplace CDHP) et informe le tiers

c- Après 72 h :
Certificats de 15zaine, mensuels

Pour des soins sans consentement d’une durée supérieure à un an : la poursuite des soins est subordonnée à l’évaluation par un collège composé d’un psychiatre de l’établissement + psychiatre ne participant pas à la prise en charge désigné par le PCME + cadre désigné par le directeur) (L 3211-9)

d- Cas particuliers :

– Absence de tiers (L 3213-3)

Un seul certificat établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement constatant un cas de « péril imminent » pour la santé du malade

Hospitalisation provisoire décidée par le directeur pour 72 h max

La recherche d’un tiers est consignée au dossier du patient
Si pas de tiers après 72 h, la mesure de soins sans consentement est réputée acquise, avec des certificats à 24h, 72h établis par 2 psychiatres différents.
Un tiers peut demander des soins sans consentement à tout moment

– Le patient en soins sans consentement sans hospitalisation ne se présente pas à un RDV :

Un psychiatre de l’établissement apprécie la raison de non présentation

L’établissement engage une procédure de convocation, le directeur informe le préfet

Le directeur « prend toutes mesures utiles pour assurer la continuité des soins » (L 3211-11) : ordonner la réhospitalisation au vu d’un certificat médical circonstancié de moins de 15j, proposer au préfet de prononcer une mesure de soins sans consentement sur décision de l’autorité publique

e- Levée de la mesure de soins sans consentement :

Sur certificat d’un psychiatre de l’établissement

A la demande de la CDSP

A la demande d’un membre de la famille ou toute personne ayant eu avec le malade des relations personnelles antérieures à la demande de soins et susceptibles d’agir dans son intérêt (disparition de la procédure prévue dans la loi de 90 en cas de dissentiment entre les tiers) sauf si le psychiatre de l’établissement établit un certificat, le cas échéant au vu du dossier médical du patient s’il lui est impossible de l’examiner:

de péril imminent: le directeur en informe le demandeur par écrit avec les voies de recours (cas de péril imminent : certificat établi par un psy de l’établissement)

de troubles compromettant la sûreté des personnes ou qui portent atteinte de façon grave à l’ordre public : le directeur informe immédiatement le préfet qui peut prendre un arrêté provisoire d’hospitalisation sans consentement sur décision de l’autorité publique (L3213-6) ; sans confirmation dans les 15 jours, la mesure provisoire est caduque et les SSCDT sont poursuivis.

C) HO devient « soins sans consentement sur décision de l’autorité publique » (L 3213-1 à 3213-9)

a- L’admission

hospitalisation complète initiale
certificat médical ; peut émaner d’un psychiatre de l’établissement d’accueil ; troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public
arrêté préfectoral

b- Dans les 72 h et après

certificat de 24 h établi par un psychiatre de l’établissement différent de l’auteur du 1er certificat et certificat dans les 72 heures

pour proposition motivée de modalités de prise en charge : hospitalisation complète, partielle, ou sans hospitalisation ; certificat établi par le psychiatre prenant en charge le patient s’il s’agit d’une autre forme de soins que l’hospitalisation complète. (la demande de levée ne fait pas partie des propositions de certificats)

certificats 15zaines, mensuels par un psychiatre de l’établissement,
le préfet peut ordonner une expertise par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement d’accueil (choisi sur une liste établie par le procureur + avis du DARS, ou à défaut sur liste des experts inscrits près la cour d’appel du ressort de l’établissement).

le suivi des soins sans consentement sur décision de l’autorité publique est assuré sous la responsabilité de l’établissement

c- Levée ou organisation des soins sous une autre forme que l’hospitalisation complète :

proposition par certificat motivé, clair et précis, dactylographié, établi par le psychiatre de l’établissement qui prend en charge le patient ou proposition de la CDSP

l’avis du psychiatre précise que les troubles mentaux de l’intéressé ne compromettent plus la sûreté des personnes et ne sont pas susceptibles de porter atteinte de façon grave à l’ordre public (L 3213-4 et 3213-5) : formulation qui n’existe pas dans la loi de 90, qui se contentait d’un avis et déclaration du psychiatre
décision par le préfet, dans un délai de 3 jours francs si SSC sans hospitalisation complète ; dans l’attente ou en cas de refus, les SSC se poursuivent en hospitalisation complète

d- Cas particuliers :

– danger imminent pour la sûreté des personnes (L 3213-2)

Le maire prend toute mesure provisoire nécessaire notamment par hospitalisation sur certificat médical ou notoriété publique ; le préfet statue dans les 24 heures pour un arrêté de soins sans consentement sur décision de l’autorité publique sous la forme d’une hospitalisation complète

– patients ayant bénéficié d’une HO par article 122-1 du CP et patients ayant déjà été hospitalisés dans une UMD

en cas de proposition d’une prise en charge autre qu’une hospitalisation à temps complet : avis du collège qui établit dans quelle mesure l’intéressé est apte à une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète

levée (L 3213-8) : avis du collège et avis concordants de 2 experts psychiatres n’appartenant pas à l’établissement qui établissent que les troubles mentaux ne compromettent plus la sûreté des personnes et ne sont pas susceptibles de porter atteinte de façon grave à l’ordre public, et éventuellement autre expertise (L 3213-5-1), transmis au préfet qui statue

– absence du patient aux échéances (15zaine, mensuels)

avis médical du psychiatre assurant la prise en charge, transmis au préfet

– détenus

hospitalisation en UHSA, avec ou sans consentement, ou sur indication médicale en UMD (L 3214-1)
si mineurs : peuvent être hospitalisées en établissement de santé autorisé en psychiatrie
certificat médical peut être fait par un psychiatre de l’établissement de l’établissement d’accueil
dans l’attente des UHSA : prise en charge assurée par SMPR et établissements habilités

D) la CDHP devient commission des soins en psychiatrie (CDSP)

Nouveautés :
examine obligatoirement les situations d’hospitalisation sans consentement en l’absence de tiers et soins sans consentement de durée supérieure à un an
peut proposer au JLD la levée immédiate des soins sans consentement
dispose d’un secrétariat permanent

E) collège de soignants

composé d’un psychiatre participant à la prise en charge, d’un psychiatre désigné par le PCME ne participant pas à la prise en charge, d’un cadre désigné par le directeur

donne des avis écrits et motivés, en cas de :
saisie du JLD
proposition de levée ou mesure de soins sans consentement sans hospitalisation complète, pour hospitalisations après 122-1 du CP et antécédents d’UMD
soins sans consentement de durée supérieure à un an

F) Juge des Libertés et de la Détention

peut être saisi par requête pour levée de la mesure de soins sans consentement
pour 122-1 du CP et antécédents d’UMD, doit demander l’avis du collège et 2 expertises

LA REFORME REPOND-ELLE AUX OBJECTIFS ANNONCES ?

A) Pour lever les obstacles à l’accès aux soins et favoriser leur continuité pour maintenir la place des personnes présentant un trouble mental dans la société :

Simplification du dispositif en fusionnant la procédure normale et la procédure d’urgence : un seul certificat, qui peut être établi par un psychiatre de l’établissement, sauf dans la procédure sans tiers.
Création d’une procédure en l’absence de tiers

B) Pour adapter la loi à l’évolution des soins pour des soins sans consentement sous d’autres formes que l’hospitalisation à temps plein, et remplacer le cadre des sorties d’essai :

Entrée systématique dans les soins en hospitalisation complète
Possibilité de prise en charge sans consentement en hospitalisation partielle et en ambulatoire

C) Pour améliorer la surveillance des patients susceptibles de présenter un danger pour autrui : nécessité attestée par « divers évènements dramatiques survenus ces derniers temps » et rappelée par le président de la République :

Intervention du directeur d’établissement en cas d’absence de présentation en consultation d’un patient en soins sans consentement sur demande d’un tiers

Exigence d’un certificat médical établi par le psychiatre assurant effectivement la prise en charge pour autorisation préfectorale de levée ou prise en charge extrahospitalière des soins sans consentement sur décision de l’autorité publique

Avis d’un collège de soignants pour les patients « difficiles », ceux avec antécédents d’UMD et jugés pénalement irresponsables

D) Pour renforcer les droits des personnes et garantir les libertés individuelles :

Information régulière du patient sur ses droits

Recueil de son avis sur les décisions le concernant

examen systématique par la CDHP des mesures de durée supérieure à un an et des procédures déclenchées en l’absence de tiers

Assistance de la personne pour déposer un recours pour demander la levée d’une mesure en l’absence de tiers

L’exposé des motifs annonce la mise en conformité de la loi avec la recommandation de 2004 du Comité des Ministres du conseil de l’Europe relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux : cette mise en conformité se limite dans le texte à l’information, le recueil de l’avis, l’assistance (selon des modalités non précisées) de la personne en soins sans consentement.

L’introduction de dispositions qui n’étaient pas dans la loi de 90 n’est pas conforme avec cette recommandation sur les critères d’admission et de levée des soins sans consentement : il est explicitement demandé au psychiatre dans le projet de loi de certifier pour la levée de la mesure ex-HO (nouvel article L3213-4) que les troubles mentaux ne portent pas atteinte à l’ordre public. Cette disposition peut renforcer la légitimité des refus de levées par opposition entre avis médical sur les troubles et « appréciation du risque » par le préfet, et ôte le caractère sanitaire de la loi affirmé par le ministère.

Le relevé des modifications apportées au précédent texte en matière de garanties des droits d’une part, et mesures de contrôle d’autre part, montre bien que contrairement à ce qui est annoncé, ce projet de loi n’apporte pas d’amélioration sur le caractère sanitaire de la loi de 90 et ne peut être qualifié d « équilibré ».

(Textes téléchargeable en PJ)